A l’annonce de notre départ, je me souviens qu’un copain a demandé à l’Homme si j’allais écrire un blog de cuisine texane. A l’époque, j’avais trouvé l’idée saugrenue: « un blog spécialisé dans les hamburgers?! », et j’avais balayé l’idée sans jamais plus y penser. La semaine dernière lors d’une conversation avec ma copine J. la question de ce que j’allais faire de ce blog après mon retour s’est posée. Je suppose qu’en pessimiste avisée, j’ai du expliquer que ce blog allait mourir de sa belle mort à une vitesse à peu près équivalente à celle à laquelle j’allais sombrer dans la neurasthénie à mon retour dans la mère patrie.
Ma copine n’étant pas du genre à se laisser endormir par mes lamentations en tout genre, a répliqué que je n’avais jamais écrit sur la cuisine texane et que je pourrais créer un blog de bouffe vu que c’est une de mes passions « numéro un » dans la vie.
Il faut avouer que ce n’est pas un hasard si la conversation a pris ce tour-là. Généralement nos bavardages commencent par un tour d’horizon concernant la santé de nos familles respectives, suivi par un « quick check» (un test rapide) météorologique de nos deux domiciles, suivi de nos complaintes politiques françaises, américaines puis internationales si on en a le temps. C’est qu’un point essentiel nous attend: « T’as cuisiné quoi à midi/ au goûter/ ce soir/ Dimanche?
Après un glorieux échange de recettes et d’avis divers et variés, on en vient à s’envoyer nos dernières photos gastronomiques en se congratulant mutuellement sur nos ambitieuses réalisations.
Après un quick check (bis) de mon blog, je constate qu’en effet, je ne t’ai jamais entretenu de mes découvertes gastronomiques texanes.
Et je pèse mes mots, j’ai bien dit « gastronomiques ».
Il y a une tradition culinaire texane qui remonte à bien plus longtemps que la découverte de ton premier « Big Mac » et que, oui, l’Histoire avec un grand H, extrêmement riche de cet état, a conduit à une vraie gastronomie, à la différence de certains autres états d’Amérique.
Je dois reconnaitre que mes débuts ont été rendus un peu difficiles par la confrontation de mes papilles gustatives avec les piments omniprésents dans la cuisine texane. Je n’avais jamais mangé aussi épicé de ma vie. Le Texan mange épicé comme beaucoup des Américains du Sud, et il faut reconnaitre qu’il connait le sujet.
Mais ne nous perdons pas dans les détails, j’y reviendrai plus tard.
L’importance de la tradition et du brassage multiculturel
Ce qui rend la cuisine du Texas unique, c’est la succession de six pays souverains sur ses terres.
Tout d’abord l’Espagne, la France, puis le Mexique, la République du Texas, les Etats Confédérés et pour finir les Etats Unis d’Amérique.
Ces cultures se sont mélangées depuis plus de 500 ans, comme une bonne marinade pour créer un mélange explosif sur lequel ont été saupoudrées quelques pincées ou plus d’Allemands, Tchèques, Irlandais, Afro-Américains, sans oublier les « Native Americans ».
Chaque ethnie apportant avec elle, le secret d’une cuisson, d’un ingrédient, d’un plat ou d’une saveur trouvant ses origines dans une contrée lointaine.
Les immigrations successives ne sont pas les seules responsables de ce brassage: la diversité régionale est aussi un des piliers de la cuisine texane:
- L’Ouest Texas et son chili,
- La bande côtière et ses fritures de fruits de mer et ses crevettes au court-bouillon,
- La tranche de boeuf du Panhandle,
- Les ribs de porc de l’Est,
- Les Kolaches de West, entre Waco et Fort Worth,
- Les saucisses allemandes de Fredericksburg…
L'agriculture, l'élevage et les impératifs dictés par le relief et le climat étonnant pour ne pas dire éprouvant et agressif sont partie prenante de cette diversité.
Le Texan est aussi protecteur de son patrimoine culinaire que le Français du sien. J’imagine la tête d’un Texan devant une pub El Paso à la tv française. J’ai longtemps cru à cause de cette ridicule pub qu’El Paso était au Mexique. Le cliché de la famille mexicaine affublée de sombreros et de fausses moustaches, en train de manger des pseudo-tacos qui soit dit en passant s’effritent et te tombent sur les genoux comme des pauvres miettes: l’horreur totale. Et puis, El Paso est au Texas, bon sang!
Et ne me parle pas fajitas et tortillas qui baignent dans des sauces rouges infâmes et qui sortent de ces boites jaunes, je vais pleurer.
Ça me rappelle l’histoire de la recette de la ratatouille de Jamie Oliver. Ne te méprends pas, j’adore Jamie Oliver! J’adore le personnage, son engagement et ses recettes, of course! Il y a deux ans de ça, il publie sur sa page Facebook, sa recette de ratatouille. Atterrée par la recette, présentée comme une fantastique recette de « comfort food » pour l’hiver, me vient l’idée dangereuse et saugrenue de commenter pour expliquer, à celui qui est derrière son clavier et qui n’est surement pas Jamie parce que je suis lucide, que sa recette est un ragoût de légumes mais surement pas une ratatouille.
Il n’a pas fallu deux minutes pour qu’un torrent de haine provenant des groupies de Jamie se déverse sur moi: insultes, menaces, j’ai même constaté qu’une énervée avait fouillé les tréfonds de Google pour coller une photo de moi et expliquait que ma photo prouvait que j’étais évidemment une sale française arrogante.
Je me suis alors souvenue qu’il n’y a qu’une réponse à opposer aux « haters » d’Internet: surtout NE JAMAIS REPONDRE. Le feu s’éteint généralement de lui-même.
Sauf quand on se sent investie d’une mission divine. J’ai donc expliqué avec patience et pédagogie comment réaliser une ratatouille digne de ce nom. Au bout de quelques secondes, j’ai compris que leur offrir la recette de ma Mémé, c’était un peu comme donner du lard aux cochons. J’ai supprimé mon poste et j’ai trouvé du réconfort dans l’idée que ces incultes ne connaitraient jamais le goût merveilleux d’une vraie ratatouille de méridionale.
Viens le ventre vide la prochaine fois, on rentre dans le vif du sujet...
Prochain article: Texas BBQ
Quand on n'a pas la chance de voyager "aux origines" on mange de l'old el paso en imaginant partager un goût de terroir mexicain....effectivement....Maintenant que ca fait quatre ans que tu m'expliques que nous mangeons "dans l'erreur", tu as la responsabilité (je te mets au défi) de me prouver (yes!) tes dires...vivement que tu rentres pour qu'on se fasse ça. Cela te permettra de passer de neurasthénique à nostalgique et je serai là pour te tendre le mouchoir et partager tes larmes qui seront dues pour ma part au piment....
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RépondreSupprimerj'avoue je mange ces tortillas infâmes de temps en temps à la maison mais promis je vais chercher une recette de tortillas maison et je vais tester tu m'as convaincu ;-)
RépondreSupprimerBisous
Aaaah, tu me fais plaisir! En plus, maintenant que j'ai vu que tu cuisines et que tu es outillée, tu n'as pas d'excuse!
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