mercredi 30 décembre 2015

Tornado season (2ème partie)


Vue d'une rue au Texas, sous un ciel de plomb


Quand on a su que notre expat était acceptée au Texas, j’ai pensé à deux trucs vraiment effrayants qui pouvaient hypothétiquement me gâcher la fête: les serpents et les tornades. Dans le désordre. Les deux ont la fâcheuse tendance à frapper par surprise. Et dans les deux cas, quand ils apparaissent, on sait qu’on  n’a pas beaucoup de temps. Le mieux, c’est de s’y préparer. Comme répète l’Homme qui aime les belles phrases « espérer le meilleur, se préparer au pire».
Le seul bémol dans l’histoire c’est que pour les tornades, ça ne s’applique pas vraiment.
Une copine française s’est exclamée récemment: «Tu vas être Wonder Woman quand tu vas rentrer! » 
J’y ai réfléchi et malheureusement, je ne crois pas que côtoyer quelques mois par an le risque qu'une tornade se forme au-dessus de ma tête, m'ait rendu plus courageuse. Finalement, on dit toujours que le propre de l'homme c'est de savoir s’adapter. Clairement, les Texans se sont adaptés à leur environnement hostile. En d'autres termes, ils font avec. J'essaye d'en faire autant.

A la différence d'un ouragan, il est difficile de prévenir avec efficacité les populations de l'imminence d'une tornade. Sur les applications météo des téléphones, on sait quelques heures à l’avance si notre région est susceptible d'être traversée par des orages. Le National Weather Service -la météo nationale- émet alors un bulletin d'alerte. Il peut être de deux sortes pour les tornades. Je me suis habituée au premier mais le deuxième me fait toujours dresser les cheveux sur la tête:

Tornado watch: un bulletin est émis si une tornade est possible dans la région ciblée par l'alerte. En général, la bonne nouvelle est livrée avec la liste des « comtés » visés, que je compulse nerveusement, en espérant ne pas trouver le mien. 

Tornado warning: autant te dire que celui-là sent mauvais. 
Le bulletin est émis quand la tornade est imminente. Le téléphone déclenche une alarme et te livre le message d'alerte. 
Généralement, il est accompagné d'une note d'humour du genre « Trouvez un abri au plus vite ». Même chez moi entre mes quatre murs, j'ai envie de hurler «  Oui, mais OÙ? »
Comme dans la plupart des constructions de notre région, notre maison n'a pas de cave. Les murs sont en bois, et comme la maison du deuxième petit cochon, on a l'impression qu'au premier souffle, elle va s'effondrer comme un tas d'allumettes. 



Si tu es en voiture et que tu écoutes la radio, ou si tu es à la maison et que tu regardes la télé, le programme s'interrompt: un son strident le remplace, histoire de capter ton attention, et la voix d'un gars serein remplit la voiture ou la pièce, t'explique que tu as tout intérêt à ne pas te trouver là et que si tu y es quand même, tant pis pour toi, et te renseigne sur l'heure à laquelle le fléau va frapper et avec quelle force.
Le programme en cours à la télévision est définitivement ruiné et ton moral aussi. En général, Monsieur Météo reprend le flambeau et te fait vivre en direct l’avancée de l'orage, avec satellites dernier cri, radars à gogo, effet loupe HD, chasseurs de tornades passionnés et envoyés spéciaux mouillés.

La dernière fois que j'ai reçu un « tornado warning » sur mon téléphone, j'étais avec une copine texane. Je sais qu'elle n'a pas peur, ne me demande pas pourquoi, je viens de te le dire, elle est texane. Elle trouve très drôle ma façon de scruter et le ciel et la météo. 
Nos téléphones ont sonné en même temps, de la même façon sinistre. Quand j'ai vu le message, je n'ai pas eu le temps de me retourner qu'elle avait déjà passé la porte: « Non, mais tu ne vas pas prendre la route c'est dangereux! » lui ai-je dit. 
Bon, en vrai, elle est marrante et je préférais passer ces minutes éprouvantes avec elle, que de me retrouver seule avec mes enfants à faire semblant que tout va bien. Je fais très mal semblant quand je grelotte nerveusement et que j'ai des sueurs froides partout. Elle est partie chez elle en m'expliquant qu'elle devait mettre la voiture à l'abri au cas où il commencerait à grêler.
De toute façon, je ne sais pas comment on aurait fait pour s'empiler dans le placard ou dans la baignoire, à quatre gamins, deux adultes, un chat, la boite et un matelas sur la tête. 
Les sirènes du quartier se sont mises à hurler. On a allumé la télé pour que Monsieur Météo nous fasse un topo. Les nuages commençaient à tourner dangereusement et à prendre la forme d'entonnoir dans notre zone. Mon fils de treize ans faisait le mariole et ma fille de neuf ans commençait à pleurer silencieusement pendant que je me demandais à quel moment les faire entrer dans le placard. Le fameux placard. Le truc le plus petit et le plus ridicule que tu puisses imaginer. 

Le gars à la télé s’agitait en expliquant, «  Si vous habitez dans la zone descendez le plus bas possible dans votre maison, éloignez-vous des fenêtres, enfermez-vous dans une pièce borgne! »
Et moi, je prends ma boite à passeports sous le bras et je réalise que mon placard est un abri risible et dérisoire.
Notre maison est en forme de U. Il n'y a aucune pièce centrale, pas de cave, les murs sont ridiculement fins. On comprend brusquement pourquoi la Bible Belt et Tornado Alley sont juxtaposables au Texas. On n'a pas grand chose à faire pour notre protection à part prier!
Concrètement, on fait quoi pour notre protection? On espère. On espère que ça passera à côté, que ça frappera ailleurs, que ça tombera dans un champ…

Ce 26 Décembre, la température était étonnamment douce pour la première semaine de l'hiver, même au Texas: 26C. Le taux d'humidité était très élevé, trop. Depuis le matin, les téléphones affichaient un « Tornado watch » menaçant. Finalement, c'est en fin d’après-midi que la Nature s'est décidée à se déchaîner. 
Le gars de la météo était nerveux et répétait: « Trouvez un abri au plus vite! » Un bandeau se déroulait au bas de l'écran, répétant inlassablement « une tornade large et dangereuse approche ». On a assisté à tout ça en spectateur cette fois. La télé se coupant régulièrement pour diffuser le message d’alerte. On pensait aux copains qui habitent au Nord de Dallas, à tous ceux qui se trouvaient sur la trajectoire en espérant qu'ils aient mieux qu'un placard.
Il faisait nuit lorsque les tornades ont commencé à toucher terre, rendant leur décompte difficile. Le National Weather Service de Fort Worth a expliqué qu'il faudrait plusieurs jours d'analyses pour les dénombrer. Ils avancent un nombre de neuf tornades.
Au petit matin, les images de désolation étaient sur toutes les chaînes. Les réseaux sociaux relayaient déjà les appels aux dons. Tragédies et miracles se succédant aux infos. Les températures ont chuté de vingt degrés en l'espace de quelques heures. L'hiver est arrivé. La saison des tornades est finie. 
Pour cette année.


vendredi 11 décembre 2015

L'école américaine (partie 2)


Mon fils est dans la Band, j't'en ai déjà parlé peut-être?
Et bien ce matin, "la crème de la crème" - à prononcer avec un accent américain, s'il te plaît - de la Band, le Wind Ensemble, part en tournée dans les écoles élémentaires de notre petite ville: ça s'appelle l'Elementary Tour.
Les Beginners (les débutants) et la Symphonic Band ne font pas la tournée.
Pour l'occasion, mon grand a enfilé le Tuxedo -le smoking- qu'il lui a été remis et un bonnet de Noêl. J'te raconte ça genre super factuel, en vrai, j'étais hystérique: "Mon bébé en smokiiiing!" T'aurais dû voir sa tête en sortant de l'école avec son smoking à la main. Il souriait tellement large que je lui voyais la glotte.
Il est remonté à bloc, n'a même pas peur, parce que la Band lui a donné confiance en lui m'a-t-il dit dernièrement.
Et puis, je lui ai dit qu'il ressemble à James Bond. Sauf qu'on n'est pas trop habitué aux smokings dans la famille. Du coup, lorsqu'il a refusé de mettre les faux boutons noirs sur la chemise, j'ai pas moufté. C'était une erreur. Avec le noeud pap', ça l'aurait fait. Grave. Parce que, oui, mon fils a un noeud pap'...

La chorale de l'école se déplace avec eux et "perform" avant eux: ils sont superbes. Les garçons en smoking et les filles en longues robes noires en satin et velours. Tous ont des bonnets de Père Noêl. La première représentation a lieu dans le gymnase de l'école SG, les maîtres et les maîtresses sont assis et finissent leur café. Pas d'inquiétude, ici, tout se passe toujours comme sur des roulettes.
Les élèves de notre école élémentaire sont pourtant nombreux. Notre fille est parmi eux et a raconté à ses copines que son frère va jouer. Environ quatre classes par niveau, 25 élèves environ par classe, sachant qu'il y a 7 niveaux dans l'école, du kindergarden, les riquiquis de 5 ans, jusqu'au 6th grade, les 11 ans. Belle tribu donc.
Pas un cri, pas une punition. Au moindre chahut du groupe, qui est quand même sacrément excité tu t'en doutes, les maîtresses lèvent une main, les enfants savent alors qu'ils doivent en faire autant et le silence s'installe à nouveau. C'est magique! J'en suis émue. Je pense très fort à la maîtresse de la maternelle, en France, qui braillait comme un veau qu'on égorge en permanence, qui hurlait sur les parents dans les couloirs "MADAME POTIN, L'OEIL DE VOTRE FILS A ETE REMPLI DE PUS TOUTE LA JOURNEE, JE N'APPRECIE PAS QUE VOUS L'AYEZ DEPOSE A L'ECOLE CE MATIN EN ESPERANT QUE JE NE VERRAIS RIEN! (Véridique)
Et racontait ses propres infections, dépressions ou euphories du moment à tout le monde.
Il y a eu aussi la maîtresse qui a brûlé son sous-tif en Mai 68 et n'en a jamais racheté après, selon toute vraisemblance, et donc exhibait ses tétons aux enfants et aux parents, sous ses tee-shirts blancs, quand la température était clémente.
Ah, les petits plaisirs du réchauffement climatique se cachent parfois dans des endroits inattendus.

Donc, les enfants sont assis en tailleur sur le sol. Un des choristes s'approche du micro et explique qu'il est un ancien de l' école SG et demande aux autres anciens de lever la main. C'est du délire dans la salle, je t'ai déjà expliqué l'importance de l'appartenance à une école en Amérique.
La directrice est fière, son école est bien représentée dans le Wind Ensemble, l'élite de la Band.

La chorale peut maintenant entonner les morceaux "vedettes" des enfants:
Rudolf, the red nosed reindeer, Jingle Bells, etc...
Quand un des choristes apparaît, déguisé en Rudolf, c'est la folie et les petits tendent la main pour un "high five", c'est énorme! One Direction peut aller se recoiffer.
La Band prend la suite. Le Band director, qui a dit hier aux cuivres qu'ils jouaient "comme des pieds" -comme quoi c'est pas Bisounours Land non plus- fait un tabac quand il prend le micro et demande aux petits de reprendre les chansons en coeur ou de taper dans les mains. S'ensuivent Cowboys Christmas et Jingle Bell rock, Let it snow, etc...
Nous, on les a tous trouvé géniaux. A la fin, on a félicité le Band director, ses oreilles ne saignaient pas, c'est bon signe.
Après une standing ovation méritée et je suis impartiale, tu me connais, la sous-directrice prend le micro et demande aux petits de quitter la salle en rang d'oignons, dans le calme.
Et, devine quoi...
Ils le font. J'te jure, un truc de science-fiction. P'têt qu'ils les droguent ou les menacent. Je sais pas.
Pendant ce temps-là, la Band plie bagages. Chacun remballe son pupitre pliable, son instrument, range sa chaise et hop, en route vers une autre école.

Evidemment l'Homme a filmé. Evidemment je meurs d'envie de te montrer le talent de ces élèves, mais tu risques de t'ennuyer. Je sais bien comme il est difficile de s'intéresser aux passions des autres. Et je dois dire que je te trouve une grande patience: je suis tellement bavarde!
Mais je suis en admiration devant l'organisation et le professionnalisme et le dévouement de tout ce qui entoure l'éducation autour de moi. Je te le répète, je ne parle que de ce que je connais. Je suis épatée qu'un tailleur soit venu dans l'école de mon fils, ait pris les mesures de chacun des élèves concernés, ait fait des retouches, ait livré en temps et en heure.
Je suis étonnée de l'organisation immense que nécessite chaque match des écoles. La foule que cela implique, les Cheerleaders, les danseuses, la Band, les instruments, la chorégraphie et les airs mémorisés... Les chaperons, les coachs, les bus...
Chaque concert donné dans et en-dehors de l'école, le travail et la dévotion pour que tout ait l'air si naturel!
Et encore je ne t'ai pas parlé des "Pep rally", des élections de "Homecoming", de toutes ces manifestations qui émaillent l'année scolaire pour qu'elle soit plus agréable et aussi et surtout pour exciter le School Spirit.

Je ne t'ai pas expliqué que, oui, on paye tous les mois la trompette de notre fils, et que non, ce n'est pas donné. Tout comme nous payons pour ses cours particuliers proposés au sein de l'école. Mais, à chaque fois, on nous prévient qu'il y a un plan B pour les familles qui auraient du mal à joindre les deux bouts, "il y a toujours moyen de s'arranger".

On est en Amérique après tout, et ici, tout le monde à sa chance, s'il travaille.





mardi 1 décembre 2015

Paris, Texas


A une époque pas si lointaine où notre bonne vieille France n'était pas encore en état de guerre, je te racontais les charmes de l'école américaine. Et ses travers, un peu, aussi.
Je ne vais pas te parler politique, je ne vais pas te raconter ma peur, ma colère et ma panique en ce Vendredi 13, parce que tu as vécu les mêmes.
Je vais essayer de te raconter les réactions de ce côté-ci de l'Atlantique, du moins telles que je les ai vécues.

C'était une belle journée ensoleillée, où je discutais climatisation avec ma copine Texane.
Inutile de chercher à s'entendre, si il y a bien un sujet sur lequel on ne le pourra jamais, c'est celui-là.
Donc, j'expliquais à ma copine K. les méfaits de la clim sur ma carcasse à grand renfort de termes médicaux en -ite, lorsque j'ai reçu un coup de fil de mon neveu parisien qui m'expliquait que quelque chose de grave était arrivé.
C'est un peu comme le jour de l'assassinat de JFK ou 9/11, tout le monde sait exactement ce qu'il était en train de faire et comment il a appris le drame. L'instant d'avant, tu regardes trois gamines de neuf ans chanter à tue-tête, au milieu d'un salon ensoleillé, en te marrant sur la température glaciale à laquelle ta copine dort sous une couette en plein été, par 40C dehors. La seconde d'après, tu trembles en te demandant si la guerre est déclarée dans ton pays.

Les Texans ont en grande majorité eu la même réaction: ils nous ont dit avoir prié pour nous et notre famille. Si tu lis assidûment ce blog, tu sais que l'on n'est pas très porté sur la prière à la maison. Mais entendre mes enfants raconter que leurs copains d'école leur avaient demandé des nouvelles de leur famille et leur avaient dit qu'ils avaient prié pour eux nous a fait chaud au coeur.
Combien de fois nous a-t-on pris dans les bras, serré bien fort pour nous influer courage, réconfort ou force?
Combien de personnes nous ont assuré avoir prié pour notre famille?
Combien nous ont envoyé des messages paniqués le soir même?
Combien d'inconnus nous ont assuré qu'ils n'avaient jamais aimé Paris plus fort?

Dans l'esprit des copains d'ici, Paris c'est la France. Et pour une fois c'était pas faux. Même que toute la France était Paris ce soir-là.
P'têt même que l'Amérique était Paris ce soir-là.

J'ai parlé au crossing guard de l'école, un ancien Marines, il y a quelques mois, à mon retour de France en Septembre après l'attentat avorté dans un Thalys.
Il m'a dit :"Je suis très inquiet pour la France. Ça va mal et ce n'est que le début." J'ai souri et je me suis dit que j'avais trouvé plus pessimiste que moi. Il s'avère que finalement, j'avais trouvé moins naïf que moi.

A cet autre, qui m'a dit "Vous comprenez ce que l'Amérique a ressenti le 11 Septembre maintenant...", je n'ai rien répondu.
La tristesse et les drames ne connaissent pas de frontières. Demande à une maman ce qu'elle ressent quand elle apprend la disparition d'un enfant, Maddy au Portugal, un petit réfugié syrien noyé sur une plage... Les petits de l'école Sandy Hook?
Alors, les mamans, combien d'entre vous y pensent encore? Combien ont pleuré devant ces images insupportables? Combien d'entre vous pensent régulièrement aux attentats du 11 Septembre?
On n'a pas besoin de parler la même langue et d'être voisin pour s'imaginer la souffrance des autres et ressentir de la compassion.
Le 11 Septembre 2001, je parie que tu sais ce que tu faisais et que tu te souviens qui t'a annoncé le drame qui se jouait si loin de toi. Combien d'entre nous, qui ne connaissions personne à Manhattan, avons pleuré.
Alors, non, je n'ai pas attendu ce foutu Vendredi 13 à Paris pour comprendre l'Amérique du 11 Septembre.
Nous sommes tous des citoyens du Monde, qu'on le veuille ou pas. Un homme qui meurt, lâchement exécuté alors qu'il boit un verre en humant l'air du temps, qu'il soit à Beyrouth, à Paris, ou à New York est un mort de trop et mérite notre recueillement et notre respect, et non pas un dénombrement macabre des morts, pour savoir à qui revient le diplôme de la plus grande tristesse.

Au début de mon séjour au Texas, j'ai lu une interview d'une célébrité allemande à laquelle un journaliste demandait:"Vous soulevez des fonds pour les enfants de Haiti, vous ne donnez plus pour les enfants dans votre pays, l'Allemagne?"
Elle a répondu "Avant d'être allemande je suis citoyenne du monde, tous les enfants méritent notre attention, ils ont tous la même valeur".

Finalement, c'est notre nombre et notre volonté qui feront la différence. Les populations, où qu'elles soient, l'ont déjà compris. Encore faut-il qu'elles sachent l'exprimer sans haine.


mardi 3 novembre 2015

L'école américaine (1ère partie)

Il y a quelques semaines de ça, je suis tombée par hasard sur le blog d'une française expat en Amérique. Elle s'amusait de la présence de certains autocollants sur les voitures de certains parents...
Je ne t'en ai encore jamais parlé, mais en Amérique, quand un élève travaille bien, il mérite une récompense. Une sorte de tradition du bon point à la sauce américaine.

Mais commençons par le commencement.
Ma fille est rentrée à l'école au Texas au niveau CP, mon fils au niveau CM2.
Je ne te décrirai pas l'état de mes enfants le jour de leur première rentrée des classes en Amérique, c'est un peu comme tu te l'imagines, mais en pire.
Des larmes, des cris, des doigts qui s'agrippent et ne veulent plus te lâcher pour la première et un semblant de dignité désespérée pour le deuxième, alors même qu'il venait de faire une crise d'hyperventilation dans la voiture quelques minutes auparavant...
Mets-toi deux secondes dans la peau de mes deux lardons qui ne parlaient pas un mot d'anglais, ne connaissaient personne, ne comprenaient rien et savaient qu'ils allaient être là pour un bout de temps.

De retour dans la voiture, j'avais cette impression oppressante d'avoir trahi mes enfants en les menant à l'abattoir. Les conseils de mes copines bilingues me revenaient en mémoire alors que je pleurais dans les bras de mon mari, certaine que l'on venait de commettre une bourde impardonnable:
"Comment ta fille va-t-elle demander à aller aux toilettes? Et si elle est malade?"
ou bien, "t'inquiètes, mon frère a appris à lire en français tout seul, parce qu'il savait lire en anglais"

Sois rassuré, en quelques jours mon fils a développé son propre langage des signes pour blaguer avec ses copains de classe. Pour ma fille, ça a été plus compliqué: elle s'est réfugiée dans le mutisme absolu, le regard dans le vide, la main dans la main de sa maîtresse pendant des jours jusqu'à ce qu'elle se décide à poser la question que l'on avait répété à la maison: "Douillououantetoupléouizemi?" (tu veux jouer avec moi?) à des petites filles de sa classe, ce qui lui a valu son heure de gloire, puisqu'elle a un peu pris tout le monde par surprise: "Miss Denne, la nouvelle, elle parle!"

Miss Denne est la meilleure maîtresse du monde. La plus douce, la plus aimante et la plus patiente des maîtresses que j'ai rencontré dans ma vie. Je suis ravie de penser que toute sa vie ma fille parlera l'anglais de Miss Denne ( tu devines que ce n'est pas son nom, mais celui que ma fille lui a donné en tentant de répéter phonétiquement ce qu'elle entendait).
Elle a supporté le comportement fuyant de ma fille pendant des semaines. Elle ne s'est jamais lassée de son regard sauvage et de sa timidité obstinée. Une seule fois, elle m'a glissé, "pourriez-vous lui demander de chuchoter plus fort?"
Elle a aussi du supporter mon langage, quelquefois gênant. J'ai un peu tendance à perdre mes moyens invariablement quand je m'adresse à quelqu'un de l'école. Des séquelles sûrement... Et le jour où ma fille a fait pipi dans sa culotte, elle ignorait comment demander le chemin des toilettes, j'ai répété à plusieurs reprises "pisser" alors même que la maîtresse avait utilisé les termes les plus délicats à tel point que je n'ai compris l'incident qu'en constatant que la petite portait un pantalon inconnu.

Comme tu le vois, le chemin s'annonçait long et parsemé d'obstacles. Mais le Texas, puisque je parle ici de mon expérience, a tout prévu. Au bout de quelques jours, une nouvelle maîtresse est apparue dans nos vies. Elle assurait une heure de cours par jour aux enfants qui comme les nôtres ne parlent anglais qu'en deuxième langue. Elle connaissait quelques rudiments de français et s'est assurée qu'à leur tour, nos enfants soient capables de baragouiner dans la langue d'Obama.

C'est alors que le problème de la récompense s'est présenté...
Une amie française, qui habitait dans une ville voisine, avait effleuré le sujet en m'expliquant qu'elle acceptait mal que les élèves reçoivent une sucrerie à chaque fois qu'ils se comportaient bien en classe. Elle en avait parlé à la maîtresse de son fils en lui proposant de donner plutôt des "goodies" ( que je traduirais par "petites merdes" dont les enfants raffolent, genre bracelets à messages, stylos rigolos, crayons clignotants...) qu'elle se proposait même d'acheter. La maîtresse lui avait répliqué de ne pas se donner cette peine, puisque dorénavant son fils ne recevrait plus de sucreries.

Où est le bon vieux temps des bons points qui ouvraient la voie aux belles images?
Que ce soit clair: les gamins de neuf ans ayant tous un Iphone dans leur sac à dos, essaie un peu de leur refourguer un bon point. Je crains que tu ne te retrouves avec ton bon point coincé dans la trachée très rapidement.

Cette année, le problème des sucreries s'est finalement manifesté pour la première fois.
J'ai recommandé à ma fille d'éviter de manger une barre chocolatée à chaque fin de journée, sous prétexte qu'elle est volontaire pour être "room cleaner" (nettoyeuse de classe) en lui expliquant qu'avec un Mars par jour, elle risquait d'y laisser sa santé et sa silhouette...
Par contre, mon fils trouve tout à fait normal de boulotter un Kit Kat à chaque fois qu'il assure en sciences, impossible de l'en faire démordre.

J'en arrive maintenant à mon affaire d'autocollants que tu as sûrement oublié parce que je suis vraiment trop bavarde.
Les parents affichent fièrement sur leur voiture et leur maison les couleurs de l'Université de leur enfant, de leur Band, de leur équipe de foot, ou encore dans quelle branche de l'armée se trouve le papa, quand ce n'est pas leur couleur politique.
Je ne peux alors m'empêcher de penser "Tea Party, oh! sérieux?", ou "Dragons? Ah ah! Trinity vous a broyé au match de la semaine dernière", "Yes, you can? Pas fréquent dans ma banlieue"...

Et puis des fois, tu vois des petits autocollants sur les voitures aux couleurs d'une école, proclamant bien fort que la conductrice de cette voiture est la fière maman d'un élève honoré pour ses bonnes notes. J'en ai reçu un l'année dernière. En cinq minutes il était collé.
La semaine suivante, je tombais donc par hasard sur cet article dans lequel la maman expliquait que c'était de la fierté mal placée que de coller ces autocollants. Perso, quand je pense à ce que mes enfants ont traversé à leur début, si je pouvais avoir un autocollant aussi gros que la voiture, je le mettrais.  Non seulement, ils ne font pas grossir, sont inoffensifs (pas de déclaration politique exhibitionniste ici), mais en plus, ils montrent au monde- ok, aux gens du coin- que je suis une "proud mama" (une maman fière) au même titre que la mère juive de la blague qui crie sans complexe: "Mon fils avocat se noie, mon fils avocat se noie!"

Hier, mon fils, qui ne dort plus depuis trois nuits parce qu'il a une audition pour la Band, -j't'ai dit qu'il est dans la Band?- a été convoqué dans le bureau du principal en urgence. Le long du chemin, il réfléchissait à ce qu'il avait bien pu faire, surtout que les copains lui souhaitaient bon courage d'un air navré. Peut-être accusé de "conspiracy" envers la prof d'espagnol?
Quand il est entré dans le bureau, le principal lui a demandé de fermer la porte, pour éviter les témoins gênants probablement, s'est-il dit dans sa frayeur.
Finalement, il s'est vu décerné un certificat de "Student of the Month" (élève du mois). Il va être encadré et installé avec soin à côté de son diplôme remis il y a deux ans pour "Outstanding Academic Excellence" signé par Obama, s'il te plaît.
Et même si ils sont des centaines à travers les Etats Unis à avoir la même copie de sa signature, on n'en est pas moins fiers.
OBAMA, les gars!
A sa gauche, trône fièrement le diplôme de la Persévérance, remis à ma grande timide, qui a fini par parler anglais mieux que quiconque dans cette maison. Impossible de deviner qu'elle n'est pas américaine quand on l'écoute parler m'a dit une de mes amies!

Fierté mal placée? Politique de la carotte?
J'ai surtout l'impression que l'Amérique veut prouver à ses enfants qu'ils comptent, que les efforts ne sont pas vains au pays de l'American Dream, et que ce grand pays sait quoi faire pour unir ses 50 Etats et ses 320 000 000 d'habitants derrière un seul drapeau.

Souviens-toi toujours...
Je crois en toi.
Je te fais confiance.
On t'écoute.
On se préoccupe de toi.
Tu es important.
Tu réussiras!
Avec mon amour,
Miss Denne

samedi 17 octobre 2015

Masterchef


Port Aransas est à huit heures de route de Dallas, c'est la seule ville de Mustang Island. On y trouve des crabes peureux qui se réfugient dans des trous au moindre mouvement. On y voit des dauphins s'ébattre en liberté. Des oiseaux de toutes formes et de toutes grosseurs: des petits qui courent vite, des gros qui volent en groupe, des solitaires qui pêchent les pattes dans l'eau, immobiles pendant des heures. 
Le seul détail qui manque à ce paradis terrestre, c'est de la nourriture comestible.

Séquence je me plains:

Le soir de notre arrivée, nous avons voté à l'unanimité qu'une pizza ferait bien l'affaire.
Ni une ni deux, au vu des critiques des gastronomes du coin la Pizzeria que nous nommerons X fera l'affaire.
Nous pénétrons donc dans l'endroit. Je me refuse à le nommer resto.
Après avoir poussé deux double-portes, nous voilà face à la caisse. Oui, la caisse, comme la caisse pour payer.
C'est courant aux Etats-Unis. Et malheureusement mauvais signe. Genre, paye avant, parce qu'après le repas, c'est pas sûr que t'acceptes.
Tu m'étonnes...

Pour bien visualiser la scène, tu t'imagines une sorte de salle dont le sol est jonché de papiers gras et de morceaux de pizzas à demi-mangées, des banquettes rouges et grasses et des nettoyeurs de salle désespérés.
Si tu ne vois pas ce que j'entends par nettoyeur de salle, j't'explique. Il s'agit généralement d'une personne qui déambule dans la salle, l'air hagard, armée d'une table à desservir à roulettes ( j'ai googuélisé le terme pour une plus grande précision) sur laquelle trône généralement une bassine remplie d'eau sale qui fait floc-floc à chaque tour de roue et où sont entassées les assiettes sales.

Généralement, tu évites ce genre de bouges infâmes. On n'est pas masochistes, si on peut éviter une hépathite ou un ténia d'ici le retour à la maison, on le fait. Mais des fois... et oui, des fois, si il est tard, que ta progéniture chouine qu'elle a faim, si tu ne trouves aucun resto décent ouvert, si tu te refuses à avaler la moindre nourriture provenant d'un fast-food, tu rends les armes et pousse la porte d'un endroit de merde, en te réconfortant de la seule façon pitoyable qu'il te reste: dis-toi que la cuisson tue la plupart des bactéries.
Que celui qui n'a jamais poussé la porte d'un bouis-bouis  me jette la première fourchette sale.

Tiens ça me rappelle, sur la Route 66, un troquet recommandé par le Routard où les glaces étaient soit-disant à se damner.
Notre fils n'a jamais voulu s'approcher de la table sur la terrasse: "Elle colle autant que le banc" qu'il disait! Il nous regardait manger nos glaces avec un air tellement dégoûté qu'on a eu du mal à finir nos milk- shakes sans vomir, dis donc!

Bref, tu passes donc par la caisse, payes un montant bien trop élevé pour ce que tu t'apprêtes à ingurgiter. Pendant ce temps tu te mets en condition et répètes en boucle le mantra:  "Je me nourris, je ne mange pas, je me nourris, je ne mange pas..."
C'est là que l'Homme s'est retourné vers moi et a dit, je le cite, c'est merveilleux d'optimisme ( ou de mauvaise foi) : "Ça va aller".
Comme quand le neurochirurgien se penche sur son patient au moment de l'anesthésie, lui tapote le drap vert et lui dit "ça va aller". En général, c'est comme payer avant le repas, c'est mauvais signe.

A ce stade, je fais déjà la gueule.
C'est alors que mes yeux tombent sur la rangée de pizzas en libre-service sous les lumières pour les garder au chaud et je me souviens avoir pensé: "Une mama italienne pourrait s'ouvrir les veines ici".
Mais la cerise n'a pas encore écrabouillé le gâteau. Elle prend la forme d'un petit garçon qui se sert quelques parts de "pizza" avec les doigts et ... la bouche, mais oui! Et tire sur le fromage avec la bouche, produit un grand fil de fromage ou de plastique, je ne sais plus, jusqu'à ce que: "BAM!" comme dirait mon fils, le fromage se coupe brusquement et retombe dans le plat commun sous nos yeux révulsés, oui, parce qu'à ce stade, tu vomis plus, tu crèves de dégoût sur le carreau au milieu des serviettes sales et des bouts de pizzas prémâchées.

J'attends donc qu'un des serveurs sous-payés et sous-motivés dépose une nouvelle pizza pour servir ma fille qui regarde son assiette.
Je pose l'assiette sur la table devant elle, je découvre qu'elle a les larmes aux yeux. Cette putain de pizza est tellement moche que ma fille en chiale!
Non, mais, tu visualises l'affaire?
Et là, je ne peux pas m'en empêcher, je lui dis: "ça se voit que t'as pas fait la guerre!", histoire de détendre l'atmosphère.
On s'est mis à rire, ça devait être nerveux. J'ai sorti mon téléphone et relu une des critiques à voix haute, postée sur le fameux site qui te "conseille des voyages" ( là je te fais un gros clin d'oeil parce que tu as deviné que je parle de Tripadvisor), parce que c'était la bonne façon de finir ce "repas".

Je la traduis et je la partage avec toi parce que je la trouve infiniment drôle:
"La pizzeria X, c'est devenu au fil du temps le resto familial où nous célébrons notre premier repas des vacances sur l'île, tous les ans. Leurs pizzas sont fantastiques et leur salad-bar est incroyable".

A chaque fois que je lis cette critique, je ris.

Sois rassuré, le jour suivant, nous avons quitté l'île et tiré jusqu'à Corpus Christi pour faire un petit dîner au poil. Je ne suis pas sûre que parler de poil soit très heureux dans cet article.
Pardon.














vendredi 11 septembre 2015

GO! FIGHT! GO! FIGHT! WIN!

Soleil couchant, contre-jour laissant deviner une équipe de cheerleaders devant un terrain de foot US.


Je comptais bien partager mon article sur Austin aujourd'hui, et puis finalement, non. Hier soir, nous avons assisté à un match de football de l'équipe de l'école de Harwood Junior High. "Junior High", c'est le niveau collège en France.
Je vais donc te parler de football, mais attention! 
En Amérique, quand tu joues au foot et que tu te plains en te contorsionnant au sol, c'est que tu ne te relèveras plus jamais. Ou presque. Sinon, en boitant. Pour toujours.

Donc, tu vas voir un match un peu comme les Romains allaient aux jeux du cirque. Sauf, que les perdants ne sont pas achevés à la fin. Mais sinon, c'est tout pareil, on crie, on mange, on regarde nos tablettes.
Pour mon grand soulagement, mon fils ne joue pas. Je ne le supporterais pas: je ne connais pas ces gamins qui courent sur le terrain mais je crois bien être la seule à faire des grimaces de douleur à chaque fois qu'il y a un plaquage un peu sauvage. En plus, avec leur carapace, tu as les bruitages, c'est terrible, tu ne sais pas si ce sont les gars qui s'entrechoquent, des os qui craquent, ou mes dents qui claquent de terreur.

Les américains comparent la violence du rugby et le football américain et affirment que le rugby est pire. Je ne sais pas en tout cas le spectacle est incroyable dans les deux cas. 
Hier soir, deux joueurs de l'équipe adverse se sont retrouvés au sol, de longues minutes. J'imaginais l'angoisse de leur maman, dans un stade silencieux, où l'on honore ceux qui tombent dans un silence de plomb. Les joueurs et les Cheerleaders des deux équipes mettent un genou à terre, la Band se tait et l'on attend de voir où le gamin a mal. Quand il se lève, c'est sous un torrent d'applaudissement qu'il est raccompagné sur le banc. Comme je te l'ai dit, un joueur de football au sol, c'est un mec qui souffre. Ce n'est pas du soccer, notre bon vieux foot européen, pour lequel les joueurs sont aussi bons joueurs qu'acteurs, c'est dire...

Non, mon fils joue dans la Band, et je te le dis comme je le sens: je suis super fière. 
Au cas où on ne se connaîtrait pas personnellement et que donc, cet été je ne t'ai pas saoulé avec la Band, je le fais maintenant.

La Band est à l'équipe de foot ce que le croissant est à la baguette. Tu viens pour la baguette, mais le croissant c'est le truc en plus auquel tu ne résistes pas. La baguette est essentielle à ton repas, le croissant, c'est le plaisir en plus. 

Au Texas, il y a deux choses importantes: la religion et le football. 
Chaque collège, lycée, et université a son équipe de foot. Et chaque équipe de foot a sa Band. Survole en avion le Texas un Vendredi soir et il y a de fortes chances que le ciel soit éclairé par tous les terrains de l'état et vibre au son des Bands déchaînées. Le niveau des Bands au Texas est reconnu et notre district est classé dans la liste des meilleurs programmes musicaux au niveau national. 

Dans notre ville, l'équipe de foot de Trinity High School, le lycée, a été classée numéro un au niveau national et a même fait la première page du Wall Street Journal. Ils ont participé à une pub Gatorade, diffusée au niveau national. Leur petit truc en plus, outre leur talent, c'est le Sipi Tau. 

"Quézaco?" t'entends-je murmurer. 
Et bien, c'est une sorte de Haka pour simplifier. Sauf qu'en réalité ce sont des danses de guerre des Iles Tonga. Il y a en effet une grande communauté Polynésienne dans notre comté. Ils ont un tempérament de feu, et font le spectacle. Regarde:



Hier soir, certains joueurs de la Band de Trinity avaient rejoint notre Band pour le plaisir, puisque nous jouions sur leur terrain. Ensemble, ils jouent plusieurs airs, chantent, se lèvent et crient. Ils mettent une ambiance de feu! Ils ne sont pas encore une marching Band, ils sont assis dans les gradins. Voici l'air joué lorsque l'équipe marque un touchdown: 



Nous avons aussi appris la version US de chansons du type, "C'est à babord, qu'on chante qu'on chante, c'est à babord, qu'on chante le plus fort!" et la tablée de tribord répond en beuglant plus fort.
Déclinable à volonté, sur tous les tons et avec le vocabulaire adéquat. Comme quoi, un mari breton, ça sert.
Donc, la version US: "We've got spirit. Do you? Do you?" hurlée par la Band, et les spectateurs doivent surenchérir plus fort, jusqu'à épuisement...

On ne peut pas parler de football et de Band sans parler des Cheerleaders. Les Cheerleaders des Dallas Cowboys, la grosse équipe du Texas qui a déjà gagné le Super Bowl plusieurs fois, a des Cheerleaders tellement réputées qu'elles ont une émission de télé-réalité. 
Nos Cheerleaders de Harwood sont charmantes et leur enthousiasme est communicatif, elles portent évidemment une tenue aux couleurs de l'équipe de Harwood, les Blackhawks, en orange et noir.
Elles se trémoussent en chantant et en agitant des pompons, et lorsque l'équipe marque, elles filent en courant dans un coin du terrain, faire des pompes. Autant te dire qu'hier soir, elles ont du rentrer fatiguées: il faisait plus de 30 degrés Celsius à 21 heures et on a gagné, 42-12.

Hier soir, la petite cerise sur le gâteau, les deux équipes de Cheerleaders se sont regroupés, ça a donné ça: 







jeudi 3 septembre 2015

Caddo Lake, de l'écologie et des araignées velues

Photo du Caddo Lake, au Texas, des cyprès les pieds dans l' eau.


Vivons chaque année d'expat comme si c'était la dernière, c'est devenu notre slogan. C'est récent. Bon, en fait ça date du jour de la rentrée. J'aurais du travailler dans le marketing ou la pub, peu importe, t'as compris l'idée.
Les photos de serial bloggeurs en goguette sur les routes américaines nous ayant sérieusement motivé, nous avons donc mis le cap à l'Est, ce week end, du côté de la frontière avec la Louisiane.
Depuis trois ans que nous remettions ce voyage à plus tard, il devenait urgent d'aller voir là-bas ce qu'il s'y passait.

A Caddo Lake, on a du mal à croire que nous nous trouvons toujours au Texas, à l'arrivée au Visitor Center. L'air embaume le pin, on se croirait dans une pub Vicks. On décide de faire une visite guidée accompagné d'un Park Ranger, qui doit nous expliquer la faune et la flore de cet écosystème unique dans l'état, dont les espèces endémiques sont menacées par la prolifération des barrages en amont et par l'expansion des populations, toujours plus nombreuses à venir s'installer dans cet eldorado que représente le Texas pour beaucoup.
Ça, c'était "ma phrase percutante Nicolas Hulot".

Je pourrais dire que je vais m'arrêter là, mais en fait, ce speech un peu écolo se fait rare autour de nous. Le mot écologie n'existe pas vraiment dans le discours quotidien. Le Texas a fait face à des inondations impressionnantes au printemps et plus d'une fois les routes ont été coupées autour de nous, des rivières bouillonnantes remplaçant les habituels petits gués où se prélassent tortues et hérons tout au long de l'année.
On a accusé EL Nino de passage cette année. On accuse le réchauffement climatique.
Le Texas va-t-il se réveiller tardivement? Ou ne pas se réveiller du tout?  Tout comme ce bon Ted Cruz qui met en doute un quelconque réchauffement climatique... et se compare à Galilée face aux "flat earthers", (ceux soutenant la théorie que la Terre est plate). Le sénateur Ted Cruz a l'air d'être un aussi brillant historien que cuisinier, tout ça me laisse songeuse.

Les nappes phréatiques sont donc pleines, les lacs et les rivières sont à leur niveau maximum, et le Texas a pu souffler un soupir de soulagement, après des années de restriction d'eau.
Depuis que nous sommes arrivés, i.e. 3ans pour les deux du fond qui ne suivent pas, nous n'avions le droit d'arroser notre jardin que deux jours dans la semaine entre 8h du soir et 10h du matin.
Ce que tout notre voisinage s'empressait de faire, deux fois par jour pendant plus d'un quart d'heure à chaque fois et même sous la pluie.

Si ça parait aberrant, attends de savoir que tous les jours, les repas de la cantine sont distribués dans des couverts et plateaux jetables, sachant que le tout finit bien souvent entièrement à la poubelle, non trié, of course.
Ou encore la toute récente acquisition par la ville de mon domicile de poubelles à roulettes pour le recyclage. Jusqu'à présent, le recyclage se faisait dans des caisses qu'il fallait transporter dans la rue, très pratique pour les personnes âgées ou handicapées...
Des poubelles à roulettes pour le recyclage, sauf que bien souvent, tu aperçois les sacs d'ordures ménagères qui en débordent, même si un énorme autocollant explique le tri sur le rabat de la poubelle.
Y a-t-il plus énervant que ces gens qui s'obstinent à t'expliquer que "Nan, môa, tu vôaa, je ne trie pas de toute façon à l'arrivée, les poubelles vont au même endroit, c'est de la poudre aux yeux tout ça..."

Alors, oui, le discours de certains Park Rangers me touche d'autant plus que la vie quotidienne ne m'a pas encore démontré que l'écologie est importante aux yeux d'une majorité de texans. Et le Texas a beau posséder le deuxième plus grand parc d'éoliennes au monde, je te dirai bien que ça me fait rigoler doucement, si ce n'était pas aussi triste de regarder les photos satellites de certaines régions du Texas où la végétation n'existe plus, brûlée par le "fracking", la recherche du gaz de schiste, mais a laissé la place à des taches régulières au niveau des puits.
Mais comme dirait un type de notre connaissance: "Putain, que j'aime ce pays!" parce qu'il venait de toucher un gros chèque, le fracking ayant lieu sous sa maison.
Ne me lance pas sur la visite d'Obama en Alaska, le seul point positif finalement, c'est qu'il va participer à l'émission de  Bear Grylls!

Aigrette au milieu des cyprès de Caddo Lake


La visite guidée était un bon moment, surtout que la Ranger n'était pas débordée, nous étions seuls avec elle!
Nous avons donc découvert ce qu'est le poison ivy, et comment le reconnaître: branche à trois feuilles et lianes velues.
Nous en avons appris un peu plus sur la création du CCC (Civilian Conservation Corps) créé par Roosevelt pendant le New Deal:  pour remettre les jeunes chômeurs au travail tout en construisant les bâtiments de ce qui sont devenus des State et National Parks à travers les Etats Unis.
Nous avons appris pourquoi Woody Woodpecker est affublé d' un rire hystérique et pourquoi il tape comme un sourd sur les arbres: pour se nourrir et pour délimiter son territoire.

Les canoes de Caddo lake, alignés au bord du lac, prêts pour la balade.

On a ensuite loué un canoé et fait un tour sur le lac. Bon, l'eau n'était pas super engageante, des troncs d'arbre flottassaient nonchalamment à la surface, ça aurait aussi bien pu être des alligators en week end gastronomique. Aux hurlements poussés par un groupe d'étudiantes surexcitées rassemblées sur le rivage, on y a presque cru. Non, je n'ai pas la photo des étudiantes surexcitées, bien que je me rende compte maintenant que ça aurait pu grossir les rangs de mes lecteurs masculins...

Les eaux verdâtres du Caddo Lake et son ponton

Oui-oui, une araignée monstrueuse et velue se cache dans cette photo version "Where is Waldo?" Attends, t'as pas vu la suivante...

Ouaip, un monstre...




Si les photos fournissaient le son, tu m'aurais entendu glapir. Un peu comme la fois où l'Homme a voulu me présenter un iguane, en Floride, avec des griffes aux pattes, longues comme mon bras.
Avec tout ça, la descente du canoé n'en a été que plus rapide, même si nos tongs se sont enfoncées dans l'immonde gadoue, nos pieds aussi, et qu'en tirant sur la tong, la boue est remontée sur nos jambes en faisant un " Ploc" des plus gracieux.
En tout cas, le Caddo Lake mérite le détour et a prouvé une fois de plus que le Texas a une diversité de paysages étonnants.



lundi 31 août 2015

La rentrée


La semaine dernière, c'était la rentrée des classes.
Une semaine auparavant, nous avons donc participé à "Meet the teachers' night". Comme son nom l'indique, les enfants et les parents s'y rendent pour rencontrer celles et ceux qui les tourmenteront tout au long de l'année.
Sauf qu'ici, personne ne tourmente personne, on se retrouve en se serrant fort dans les bras, de la directrice au concierge, et en se demandant poliment où l'on a bien pu passer les trois mois qui viennent de s'écouler.
Tout le monde nous envie quand on répond Paris, et tout le monde fait la grimace quand on répond New York. C'est génial, on a l'impression qu'on leur a vraiment manqué et qu'on est amis!

Accessoirement, on achète le sac de fournitures scolaires auprès de la PTA, l'association de parents d'élèves. 40$ le sac! Je ne l'ouvre même pas, je n'ai rien eu à faire, pas de cohue dans le Walmart du coin, pas de panique devant la liste interminable dans laquelle se cachent des trucs que même le dictionnaire ne connait pas.
Je me souviens clairement des rentrées au collège, en France, où l'on recevait des listes longues comme le bras, surtout pour le cours d'arts plastiques, où la prof demandait des feuilles aux couleurs mystérieuses, des pinceaux aux dimensions introuvables ou autres feuilles à petits carreaux, à marge rose, perforées, avec des trous d'un diamètre égal à la racine carrée de l'âge du prof de maths. Tout ça, pour finalement ne briller dans aucune des deux matières sus-citées. (Apparemment, en français non plus, la pauvre, sa mère, la pauvre, ça lui a coûté un bras pour élever une analphabète, se disent les mauvaises langues)

Pour la première rentrée, comme nous étions étrangers, et donc dans le besoin après ce grand voyage, nous avons reçu une lettre d'une des grosses paroisses du coin pour aller retirer les fournitures gratuitement auprès d'un de leurs bureaux. Je ne m'y suis pas rendue, c'est bien connu, les expats sont outrageusement riches et il était hors de question de laisser planer un quelconque doute dans l'esprit de qui que ce soit.

Bon, en vrai, on était en vacances et on a raté la date. Mais j'ai quand même refusé poliment le sac de fournitures tout en les remerciant de leur générosité, laissant profiter ceux qui en ont vraiment besoin.

J'ai donc fait ma forte tête, je m'en suis chargée moi-même.
Les différentes listes de fournitures sont disponibles sur des portants dans les rangées du supermarché du quartier, selon la classe et selon l'école: mais oui, nous sommes en Amérique, on ne fait pas les choses à moitié, un minimum de déplacement étant le maître mot.
Jusqu'ici tout va bien.
C'est à la lecture que tu paniques: "Des chemises avec deux ou quatre poches intérieures avec deux battants centraux et des attaches parisiennes."
C'est parti, vous avez cinq minutes pour me traduire ça, et un indice: non, il ne s'agit pas d'un vêtement de pêche ou de chasse avec poches multifonctions mais bel et bien d'une fourniture scolaire...

Cette année, forte de mes expériences passées, j'ai donc commandé le bordel, assez éclectique d'ailleurs: essuie-tout, mouchoirs en papier, lingettes désinfectantes, classeurs, chemises à rabats à poches et machins parisiens... A quand le papier cul renforcé, triple épaisseur, avec impression forestière et senteur boisée?

On a donc fait un détour par Target, LE magasin qui fait frissonner de plaisir toute américaine qui se respecte. Nous aussi on a frissonné quand au détour d'une allée, nous avons déniché un stylo Bic à quatre couleurs. On était tout excité, on en a acheté deux pour fêter ça!

Mais je m'égare. Donc oui, "les enfants ont bien repris le chemin de l'école", selon la formule consacrée et ses rituels ont bien repris:

-Les filles, n'oubliez pas qu'il vous est interdit de porter des tee-shirts à bretelles de moins de trois doigts de larges et des shorts, jupes ou robes moins longs que vos bras.

-Le lavage des mains des élèves avec le flacon de désinfectant sans eau plutôt qu'à l'eau et au savon.

-Les parents et enfants qui se pointent en chaussons et pyj' à l'école sans aucune gêne.

-La cour d'école qui est un champ non clôturé.

-Des maîtres et maîtresses qui ne lèvent JAMAIS la voix, en aucun cas.

-Et voilà déjà revenu le temps des lunch box, que j'abhorre et oui, je pèse mes mots:
1/2 heure pour manger un repas préparé avec amour par tes parents (en vrai par moi, la mère donc) avec un mot doux sur un post-it (en vrai, que le jour de la rentrée, parce que sérieux, si en plus de jouer à Ducasse tous les jours, je dois aussi pondre du Shakespeare tous les matins, les vacances ne sont définitivement pas assez fréquentes) sachant que le repas doit tenir dans une boîte avec des poches à glaces, être équilibré et ne pas susciter des hauts le coeur chez les voisins de table.

Raté! Le premier jour, ma fille ouvre son tupper de dessert dans laquelle j'ai coupé une poire en morceaux, arrosée de quelques gouttes de citron et saupoudrée d'un crumble de spéculoos...
La gamine d'à côté a senti le truc et a produit une grimace ne laissant que peu de place à l'imagination.
Du coup, le lendemain, ma fille a sorti son repas, regardé sa voisine, et  lâché : "Je ne veux rien entendre, je ne veux même pas que tu le regardes!"

Et puis, voilà le retour de la chorégraphie du matin. Mister J., le concierge, se place au milieu de la route, tous les matins, pour faire la circulation, tout en scandant :"Ten minutes" jusqu'à ce que le temps imparti soit écoulé. Miss Lucienne, hurle de sa voix de stentor "Hurryyyyyy" et effraie tout le monde.
Les crossing guards, les bus jaunes, tout ça fait partie de la vie quotidienne de l'école tout comme la vitesse limitée devant l'école aux heures d'arrivée et aux heures de départ, 20mph, ( 30km/h), la menace de se faire arrêter si tu as l'imprudence de te trouver au téléphone dans le secteur de l'école, 200$ d'amende, et la fameuse double-file devant l'école.
Tout le monde peut déposer son enfant au drop off. C'est à dire que tu passes devant l'école, t'arrêtes le temps de le faire descendre et hop, reprends ta route. En aucun cas, tu ne dois te garer, à moins de stopper la circulation.
Sauf que...
Le premier jour d'école, ignorants que nous étions des us et coutumes des autochtones, nous avons enfreint la sacro-sainte règle. Nous nous sommes garés. Lorsque les gars de derrière se sont aperçus que le conducteur, l'Homme, semblait fermement décidé à fermer sa voiture et à la laisser là, je ne te raconte pas la panique: concert de klaxons, le gars de derrière en pleine crise d'apoplexie aussi rouge que ma voiture et Miss Lucienne qui hurlait comme une démente...
Inutile de te décrire l'état d'embarras apocalyptique des gamins pour leur première journée à l'école quand, pour couronner le tout, nous avons traversé hors passage protégé (par Miss Lucienne), dans la panique du moment...
Ça va, ça va, les gars. On se calme. Chez nous la double-file et le faufilage entre les voitures, c'est un art de vivre, ok?

On ne va pas se quitter sans que je te raconte non sans perfidie, l'épisode marrant que notre fils a vécu dans sa classe d'histoire cette semaine. Sa nouvelle prof d'histoire a commencé le programme dès le deuxième jour, les différentes sortes de gouvernement et a directement embrayé sur la monarchie.
Elle a donc cité différents pays d'Europe qui vivent sous le règne de la monarchie: Angleterre, Espagne... et France!
Là, notre fils lève le doigt et lui dit: "Madame, il n'y a plus de roi en France!"
Les autres enfants autour commencent à chuchoter : "Ouais, vas-y! Dis-lui" en riant.
La prof, un peu gênée, "Ah bon?"
Le petit reprend, "Je vous assure, ils sont morts y'a longtemps."
Et elle: "Ah oui, voilà, c'est ce que je voulais dire."



lundi 3 août 2015

L'Amour dure 3 ans



Apparemment, quand on célèbre un anniversaire un peu particulier, il est de bon ton de faire THE bilan. Perso, je ne sais pas trop, je suis intimement convaincue que le temps n'est pas cyclique mais linéaire et je m'octroie donc le droit de vieillir uniquement lorsque je suis prête et d'humeur.

Par contre, j'ai plusieurs raisons de célébrer cette fois sans prendre une ride:
Tout d'abord, je viens de pénétrer dans mon 17ème état américain et j'en suis super fière. Sauf que ce n'était pas un road trip, du coup, j'ai été volée sur la quantité et la qualité du voyage parce que les sky trips c'est moins rigolo et plus stressant, du coup, je m'inquiète, du coup, je me ride, du coup, je vieillis et du coup je dois réévaluer mon âge. Et le personnel de bord a beau être sympathique, on rencontre moins de monde, la découverte gastronomique est sérieusement restreinte, et tu peux pas acheter du fudge, des milk skakes et des magnets sur le chemin des toilettes, sans déclencher un regard inquiet de l'hôtesse.

Et oui, à l'occasion de notre voyage annuel dans la mère patrie, nous avons fait une petite halte dans un petit village de charme sur la côte Atlantique qui se nomme New York, je sais pas si tu connais.


Le principe était surtout de s'arrêter sur le trajet, un peu comme une énorme pause pipi sur la route des vacances. 
Surtout que vu les odeurs dans la rue, c'était super propice, pas besoin de se concentrer, le cerveau se dit: "Ah! Je reconnais cette odeur d'urine. Hé! En bas, préparez-vous, on doit pas être loin d'une aire d'autoroute!"

Perso, je m'attendais au mieux, à avoir une épiphanie ou un truc du genre en arrivant dans la grosse pomme, surtout qu'avant de se poser, on a survolé la Statue et là ça m'avait un peu mis les poils comme dit Jennifer, la poétesse de The Voice, au pire, des trémolos dans la voix au moment de repartir.
Finalement, New York, c'est tout ce que j'attendais.
Une ville qui va te saouler jusqu'à la gueule de bois. Tu en prends pleins les yeux, les oreilles, les pieds et pas mal dans le nez.




On a tenté d'analyser l'étendue des dégâts.
Pourquoi on n'est pas tombé en pâmoison?  Comment annoncer que t'as pas epiphané à NY sans passer pour un rabat-joie, un peu blasé? 
Déjà, on a évité les discours du genre: "NY? Mouais... bof, tu sais quand t'as vu la skyline de L.A., la chaleur de Savannah, la marée humaine de Vegas, tu sais NY c'est un peu show off, tu vois?"

-D'abord, on s'est dit qu'après trois ans de vie texane et de road trips, ben, New York, c'est un peu un pétard mouillé. On aurait eu un plus gros choc en la découvrant, vierges de l'Amérique.

-Ensuite, en arrivant tout frais de notre Texas, où la vie se fait dans des espaces à perte de vue, où le stress de la vie quotidienne revient à peu près à se demander si chez Starbuck's, y'aura mon "Peach ice tea lemonade, version thé vert", on s'est dit que pour sûr, on n'est pas des citadins. La surprise à l'arrivée quand tu regardes tes photos et que tu découvres que la libellule perdue sur Times Square a autant de clichés que l'Empire State Building le soir du 4 Juillet!
Ouais, je sais, ça fait bête, hein, mais vraiment, pendant ce voyage, j'ai compris un truc; c'est que clairement, ils ont beau vivre aux Etats- Unis, les américains vivent quelquefois dans deux pays différents.


- Je pourrais parler de la saleté et des odeurs des rues pendant un moment mais après on pourrait croire que je n'ai pas aimé cette ville, ce qui est faux, c'était un chouette voyage, une belle semaine, des endroits mythiques enfin découverts, une sorte de voyage initiatique nécessaire quand t'es un voyageur compulsif.





Bref, on a visité New York. Mais au départ c'était pas de ça que je voulais te causer, d'où ma deuxième raison de célébrer.

Voilà, demain, ça fera trois ans que nous avons débarqué au Texas. 
Trois ans déjà que j'ai écrasé ma larmichette en regardant par le hublot et en me disant "Ça y est, je vais vivre en Amérique!"
Après la trouille, l'euphorie, la nostalgie et l'inquiétude des débuts, il reste quoi?

Même si on a eu des moments de merde, même si j'ai paniqué, pleuré, et enragé plus d'une fois, je crois que le bilan est positif, on est heureux et on a pas mal évolué, en bien quelquefois, au cours de ces 3 dernières années.

-Dorénavant, j'éternue et je tousse dans mon coude. On pourrait discuter de mon choix de placer cette "évolution" en premier, mais c'est quand même un truc super important l'hygiène, et t'as pas vu la tête d'un autochtone à qui t'empruntes sa souris après avoir éternué dans ta main en pleine épidémie Ebola...

-Je ne klaxonne plus au volant et si je hurle des insanités aux conducteurs texans trop mous ou empotés, c'est en toute discrétion, dans ma voiture, vitres teintées fermées. (Oui, à ce sujet, on devrait sérieusement repenser le problème du permis à 16 ans avant ton départ, Barack.) Je me suis considérablement calmée avec un volant entre les mains et je tiens à présenter mes excuses à la personne que j'ai poursuivi en klaxonnant dans la zone industrielle de F. le 8 du mois dernier en France, sur plusieurs mètres, en criant fenêtres ouvertes: "Rentre chez toi connard", je me rends compte que c'était déplacé et injustifié mais que voulez-vous, j'avais 3 ans d'arriérés et ça avait besoin de sortir.

-J'essaye de moins me plaindre et j'évite de faire tout un plat quand je suis contrariée en public... Je tiens quand même à dire que les français sont peut-être râleurs, mais on n'est pas des moutons et je trouve que c'est une qualité malgré tout.

- Je trouve normal de faire mes courses à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, en ayant toutefois une pensée pour les personnes qui me servent, qui elles, préféreraient être en France; parce que sérieux, je ne me souviens plus comment on faisait, mais s'alimenter le dimanche soir après 19h relève du défi.

-Je peux faire la maligne à la fête foraine en tirant à la carabine, faire carton plein et me plaindre (sic) que "la carabine est trop lourde parce que  je préfère définitivement les pistolets".


Au final, le bilan est positif, à moins que l'on soit devenu des crétins imbuvables et que les copains fassent semblant de nous supporter deux semaines par an.




samedi 20 juin 2015

Austin, Houston, le Capitole, des lois, des armes et des morts...


Pour la première fois nous sommes allés visiter LA capitale du Texas, Austin.
Pour moi Austin, quand j'étais petite, c'était le nom de famille de Steve, le cosmonaute borgne un peu bling bling des années 80. Quelle découverte donc d'apprendre qu'il s'agit surtout de la capitale du Texas.
Comme tu le sais depuis que j'ai potassé l'Histoire du Texas, je suis intarissable sur le sujet, et en plus je suis bavarde.
Tu as ma permission pour sauter directement au prochain paragraphe si tu ne veux vraiment pas te cultiver un peu et briller en société...

En 1836, le Texas proclame son indépendance suite à la guerre contre Santa Anna, que je t'ai déjà raconté . Le premier président élu est Sam Houston.

Sam

A la maison, on l'aime bien.
Sam a passé beaucoup de temps dans une tribu Cherokee dans le Tennessee, il a appris la langue et a même été adopté par le chef de la tribu.
Il est le seul gouverneur d'un futur état confédéré à rejeter la proposition de faire sécession.
Autre chose, Sam ne suce pas que des glaçons et ça n'a pas toujours joué en sa faveur...
Bref, il décide d'installer la capitale à Houston, (on n'est jamais si bien servi que par soi-même) alors que l'emplacement n'est pas très judicieux. La ville est près de la mer, et les moustiques pullulent dans les marais, et qui dit moustiques dit maladies...

Sam ne peut se présenter pour un 2 ème mandat, c'est Lamar qui prend sa place (celui-là a beaucoup moins nos faveurs) et ce dernier s'empresse de déplacer la capitale, Houston, vers Austin du nom de Stephen Austin, héros texan, le Père du Texas. Austin est situé près des territoires indiens et est difficile à réapprovisionner.
Ça devait aussi clairement lui arracher la bouche, à Lamar, de dire "Chérie, je vais à Houston pour le week end.". Sinon, sa politique concernant les Indiens est claire: au moins il y en a, au mieux il se porte...
En attendant, la dette du pays est colossale, les guerres enfoncent la petite République. Lamar, ne fait rien pour l'endiguer. Outre se débarrasser des Indiens, il soutient l'indépendance du Texas contre vents et marées et l'expansion du Texas vers l'Ouest...

Sam est finalement réélu après Lamar, il affirme que le Texas, noyé dans les dettes, ne peut pas s'en sortir seul et doit rallier les Etats-Unis.
Il va aussi bêtement tenter de ramener la capitale à Houston...
Les Comanches ont attaqué à plusieurs reprises Austin et les fervents défenseur de Houston pour capitale s'en servent pour stimuler l'opinion.
En 1842, après une brêve incursion des Mexicains en territoire Texan, Houston va saisir l'opportunité et faire charger toutes les archives dans des chariots pour les ramener à Houston, au nez du congrès qui a clairement statué contre!
Toutes les archives sont sur le départ, lorsqu' Angelina Eberly, une habitante d'Austin avec un tempérament de feu, sort de chez elle et se dirige vers un canon placé non loin de là et tire à plusieurs reprises sur les hommes de Sam, en train de déménager!
Les hommes de Houston s'enfuient et les archives sont installées définitivement à Austin...



Donc Austin, est la capitale du Texas, et aujourd'hui, crois-moi, on peut y aller pour le week end, sereins et décontractés, la seule chose qui puisse t'arriver, c'est un coup de soleil!

La façade du Capitole orné des 6 drapeaux ayant flotté sur le Texas




L'Histoire du Texas en sculpture

Vu d'en haut, sous la coupole, les 6 drapeaux, tu les reconnais tous?
La France (les fleurs de lys), l'Espagne. la République du Texas, les Etats Confédérés d'Amérique et les Etats Unis.

Le capitole est superbe et mérite le détour. On l'a visité un dimanche et surprise!





Les sénateurs étaient en pleine session, accompagnés pour certains de leurs rejetons endimanchés en train de dessiner ou pianoter sur leurs tablettes.
La question débattue va te faire dresser les cheveux sur la tête puisqu'ils discutaient de passer une loi permettant de porter des armes sur les campus.
Les panneaux d'affichage sur les côtés portent le nom des sénateurs et permettent le comptage des votes.
Tu seras enchanté d'apprendre que la majorité a voté oui et que dorénavant, les élèves et les profs pourront se rendre en cours, armés, pour pouvoir se défendre au cas ou un fou dangereux ferait irruption. Evidemment, il est tout à fait improbable et ridicule d'imaginer qu'un prof en plein burn out, un élève revanchard mal noté ou le coeur brisé par sa chérie en profite pour décharger son arme automatique en plein cours...

Il y a deux jours, un fou a ouvert le feu dans une église de Charleston, une jolie ville de Caroline du sud, que nous avons visité l'année dernière.

Selon Charles Cotton de la NRA, la faute en incombe au pasteur qui refusait le port d'armes dans son église. "Ces innocents sont morts à cause de sa prise de position dans un problème politique".
"Eight of his church members who might be alive if he had expressly allowed members to carry handguns in church are dead. Innocent people died because of his position on a political issue.”

Obama a pris la parole, déplorant qu'il devait le faire bien trop souvent à son goût pour ce genre de raisons.

"At some point, we as a country will have to reckon with the fact that this type of mass violence does not happen in other advanced countries. It doesn’t happen in other places with this kind of frequency. And it is in our power to do something about it.”

Comme aurait dit Hamlet, "il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark"


Un peu d'histoire (suite)


C'est en visitant l'Ouest que l'histoire du Texas nous a sauté aux yeux. Certaines villes et certains paysages sont fixés dans le temps.

Le diner de Fort Davis, très années 50.

La banque de Fort Davis, sur la rue principale.

Un moulin à vent ici, une vieille banque là, on a visité un vieux fort, le Fort Davis, dont il ne reste pratiquement rien aujourd'hui, mais on a appris l'origine des Buffalo Soldiers, et oui, ceux que célébrait Bob Marley!
Il s'agit des régiments uniquement composés de Noirs qui construisaient les forts, les avant-postes, les routes, utilisés par les familles qui partaient vers l'Ouest.
Suite à la guerre de Sécession, le gouvernement autorise la création de régiments, uniquement composés d'Afro-Américains, des régiments de cavalerie et d'infanterie.
Ce surnom leur a été donné par les indiens en rapport avec leur chevelure noire comme la fourrure des bisons mais aussi pour leur courage et leur ténacité dans la bataille. Souvent menés par des officiers blancs, ils ont gagné leur liberté en combattant pendant les guerres indiennes...
Quelle époque délicieuse!
Quand je te disais que l'Histoire du Texas valait bien la sauvagerie de notre propre Histoire.



Puis on a visité des maisons où vivaient des familles de pionniers, qui quittaient l'Est du pays et décidaient de gagner ces terres où ils avaient l'impression que tout était  possible.
En plein désert de rocailles aux pieds des Guadalupe Mountains, je me suis demandée plus d'une fois comment les femmes survivaient: elles élevaient leurs enfants loin de tout, dans des températures extrêmes, loin de la ville, sans eau courante, sans voisinage.
Pas de place pour la faiblesse.
Dans ce décor, une famille s'y est établie et une fois par semaine, les parents et les enfants cheminaient toute la nuit pour aller vendre leurs produits sur le marché.


Evidemment, on peut se dire qu'en France, certains paysans en faisaient tout autant.
La grosse différence, ce sont les températures texanes, le danger de rencontrer serpents, renards et coyotes et/ou indiens agressifs.
Perso, je n'aurais pas tenu une minute.T'as gagné, Darwin! Je n'aurais pas survécu là-bas: Un bébé malade en plein centre ville et je paniquais, alors au fin fond du Texas...

Le manque d'eau est aussi un problème dans ces contrées reculées. On a souvent croisé ces petits moulins à vent:

Ils sont appelés "windmills", donc la traduction littérale de nos bons vieux moulins à vent, sauf qu'ici, ils sont petits, sont pourvus d'une "tail", le petit gouvernail qui s'oriente selon le vent, et surtout ils servent à pomper l'eau du sous-sol. Un bon moyen d'irriguer son champ et de créer des abreuvoirs pour son troupeau qui se promène sur des hectares de terre.

D'ailleurs, ces grosses bêtes profitent de l'espace qui leur est offert et ont tendance à se mélanger avec les vaches du voisin...
C'est à cette époque que le fil de fer barbelé fait son apparition, permettant aux ranchers de délimiter leurs terres, de protéger leurs bêtes, de protéger leurs champs.
Facile à installer, efficace: inventé en 1867, il révolutionne l'Ouest.

Un ranch à quelques minutes de Bedford

Encore aujourd'hui, lorsqu'on visite le Texas, on découvre ses ranchs immenses, protégés par du barbelé, des champs à perte de vue et des entrées de ranchs imposantes.