vendredi 7 octobre 2016

The Wild Wild West

Il y avait une araignée, j'ai paniqué. Mais je pense qu'elle est morte maintenant.


Comme tu l’as peut-être vu si tu me suis sur les réseaux sociaux j’ai eu le plaisir de rencontrer la délicieuse Puss Caterpillar devant ma porte hier. Elle est surnommée la chenille «Toupee » (toupet), et présente une pilosité capillaire souvent moquée qui rappelle celle de Donald Trump. Cette adorable bestiole est la chenille la plus venimeuse des Etats Unis, j’étais donc enchantée de croiser son chemin. Vu son état végétatif de chenille, je savais qu’elle ne risquait pas de me sauter à la gorge et je comptais bien ne pas lui flatter le flanc car sous sa fourrure soyeuse se cachent des « dards » qui peuvent t’envoyer à l’hôpital dans d’atroces souffrances. 
Je me suis empressée de poster sa photo dans les associations pour la préservation des « rampants-piquants-volants-mordants-empalants » du Texas et du continent tout entier. Inutile de te préciser que son surnom a très vite déclenché l’hilarité de certains, qu’une joute verbale s’est engagée, que des suggestions d’extermination de la dite bête et de sa progéniture ont été proposées, tout cela menant à cette remarque du modérateur ce matin:

« Just a reminder....regardless of the resemblance the puss caterpillar has to the republican candidate for president's hair, please keep politics off The Hill...that goes for the democratic candidate, the current president and any other politics. »

(« Pour rappel… indépendamment de la ressemblance que cette chenille présente avec les cheveux du candidat républicain à la présidentielle, gardez la politique hors de ce site… cela s’applique aussi pour la candidate démocrate, le président actuel et tout autre politicien »)

La Puss caterpillar, tu la vois la ressemblance maintenant?


Malgré la proximité de Dallas et Fort Worth tu seras surement ravi d’apprendre que la vie sauvage est loin d’être exterminée dans ma région. Parles-en à ma copine A. de Dallas qui a trouvé un raton laveur qui siestait dans sa poubelle et une recluse sur son oreiller.  Pour ceux qui ignorent ce qu’est une recluse: c’est une araignée qui est généralement agressive, très venimeuse, et si tu te fais piquer, dis adieu à ton épiderme velouté, vu qu’une partie risque de se nécroser. Définitivement. 
 C’est au cours d’une balade au bord d’un lac que l’on a croisé THE serpent. Je ne suis pas une grande fan des serpents. Euphémisme. Les serpents me rendent hystériques.
Le truc était au bord du chemin. On était en train de ramasser du petit bois quand je l’ai vu nous observer. J’ignore si il était seul et ENORME ou accompagné, mais je me suis empressée de le prendre en photo, en tremblotant et en hurlant « Personne ne s’approche! » aux enfants. J’ai montré la photo à ma copine texane qui l’a identifié de suite  « un cottonmouth, et un beau ». La bouche de coton, c’est un serpent noir dont l’intérieur de la bouche est blanc. 




Inutile de préciser que si tu te fais mordre, on appelle un prêtre, inutile de déranger les pompiers. En plus, une étude a montré récemment qu’une morsure de Rattlesnake (serpent à sonnettes) soignée revient à 170000$. Donc, je te souhaite d’avoir de bonnes relations avec ton assurance, au moment où la secrétaire des urgences va appeler pour savoir quelle est ton niveau de prise en charge… « 25%? Bon ben on va rappeler le prêtre plutôt. »

Il faut quand même que je te raconte quelque chose à propos de cette amie texane. Elle n’a pas peur des serpents et récemment a publié une photo dans les réseaux sociaux d’un serpent monstrueux, bouche grande ouverte, qui soufflait et se contorsionnait dans l’allée de sa maison. Elle demandait si il était venimeux à ses amis pour savoir quoi en faire. Finalement, les réponses tardant à venir, la bête lui barrant le passage pour atteindre sa voiture a fini sa vie dans un coup de pelle bien ajusté.  



Dans le genre moins féroce, on a croisé des coyotes autour de la maison et même tout près de notre quartier. Ces pauvres bêtes se font déloger par les travaux de construction des centres commerciaux et errent donc à la nuit tombée autour des habitations. 


Les vautours noirs (ou black vultures) sont communs et se régalent d’écureuils écrasés. Les rapaces tournent en permanence dans le ciel, très haut mais ne perdent pas une miette de ce qui se passe sur le plancher des vaches. 
On a aussi assisté au snack d’un Red Tail Hawk à la sortie de l’école, déclenchant un attroupement et des cris d’admiration quand à la rapidité de l’oiseau à boulotter une cuisse d’écureuil.

L'heure du goûter


Des araignées jaunes exotiques mais inoffensives avec des talents artistiques indéniables.

La zipper spider

Il y a aussi des visiteurs nocturnes dont la frimousse te fait hésiter. Est-ce vraiment mignon? 

un opossum tout mignon?


L’opossum n’est pas la plus séduisante des bestioles mais je précise que l’animal n’est pas, contrairement à une idée reçue répandue aux Etats Unis, porteur de tous les maux de la Création. Il sait lutter contre la rage et ne déclare que très peu la maladie. Mes charmants voisins n’en ont que faire et leur jettent des pierres à chacun de leur passage dans le jardin. Pas vraiment une surprise quand ils t’expliquent que leur paternels tiraient à la 22 Long Rifle sur les tatous après avoir essayé de les déloger avec un club de golf. 
Je tiens à préciser que cela ne reflète en rien le comportement des Texans

Il y a aussi quelques alligators dans les lacs du coin et dans la Trinity River. Notamment un vieil alligator de 3 mètres de long, qui répondait au nom de Hollywood,  (surement parce qu’il avait les dents qui rayaient le parquet) qui a du être abattu au mois de Juillet. La pauvre bête, aveugle et vieillissante, (genre 30 ans, tout est relatif, ne paniquons pas!) avait tendance à se retrouver dans la Trinity River aux abords de la ville et à se cogner dans les piliers des ponts. 
Récemment une habitante de Houston a demandé une intervention pour reloger un alligator qui vivait dans son étang depuis plusieurs années. Raison invoquée: Il était menaçant envers ses enfants et son chien. Tu vois qu’il ne faut pas tirer de conclusion hâtive concernant les Texans. 


En allant plus à l'Ouest, il n’y a pas que les couchers de soleil qui sont remarquables: 

La grosseur des mygales

une mygale en vadrouille dans le Big Bend

Les Turkey vultures, 

Un vautour et ses couleurs chamarrées

les javelinas (genre cochon sauvage), les roadrunners (l’oiseau Bip-Bip), les daims, les bouquetins, et des fois des ours et des pumas. Il faut relativiser, la plupart des morts imputées à des animaux sauvages sont généralement des accidents de voiture. 

Alors, rassuré?

















vendredi 30 septembre 2016

L'école américaine partie 4






Comme je te l’ai déjà dit à plusieurs reprises, la vie scolaire américaine est plus divertissante et plus ludique qu’en France. Ici, la vie s’écoule tranquillement au rythme de toutes les activités que l’école propose. Les sports ont la part belle évidemment. Mais, il y a aussi la chorale, les clubs. Et toutes les semaines sont émaillées de petites célébrations en tous genres comme la journée en rose pour le fundraiser (levée de fonds) pour la lutte contre le cancer du sein, College shirt (au cours de laquelle tu dois porter le tee shirt de la fac de tes parents), la journée des crazy socks (porter des chaussettes excentriques et/ou dépareillées), la journée des twins (deux élèves qui s’habillent pareil), la journée déguisée de Halloween), et aussi toutes les fêtes qui viennent se greffer sur la vie scolaire: le Fall festival, le talent show, les courses, je ne te parle même pas des concerts de la Band, les concours de Whiz Quiz (concours de culture générale inter-écoles) et si vraiment t’es branchée religion, les cours de Bible tous les Lundis. 
Ajoute à ça les pep rallys qui reviennent régulièrement, les matchs de foot du Lycée (auxquels toute la ville se rend) et les soirées.  

La semaine dernière, dans la Junior High de mon fils a eu lieu Homecoming.
La première fois que j’ai entendu parler de Homecoming, j’ai cru qu’il s’agissait de la fameuse soirée où les garçons offrent une fleur qui se porte au poignet, à l’élue de leur coeur.
Alors, là, je te corrige tout de suite, c’est pas Homecoming, c’est Prom night. Homecoming a lieu en Automne alors que Prom est une soirée de printemps. Mais là, je ne peux rien dévoiler à ce sujet, n’oublie pas, comme toi, j’ai fréquenté un ennuyeux lycée français dont le bal en avait été banni quelques années auparavant.

Pour info, Homecoming est une fête traditionnelle qui célèbre le retour des élèves à l’école, généralement le lycée. Cette année, l’école de mon fils (oui-oui, celui qui est en Band) qui est en niveau 3è français mais niveau 9th grade ici, y a participé. C’est normal: son école, une Junior High, accueille les élèves de 7th grade jusqu’en 9th grade. Mais la plupart des Junior High s’arrête au 8th grade, ce qui fait donc de mon fils un « freshman », c’est à dire qu’il est en première année de lycée, virtuellement.

Si tu suis toujours, je t’en félicite. Ne t’inquiète pas, l’histoire va décoller d’une minute à l’autre.
Sache que je vais maintenant te raconter quelque chose qui n’existe nulle part ailleurs en Amérique, seulement au Texas, et ça tombe bien car je suis aux premières loges.

Homecoming a donc été célébré Jeudi dernier par les 9th graders enamourés. Façon poétique de te causer de ceux qui ont les hormones en ébullition. 
Au début de l’automne, chaque année, a lieu un pep rally un peu particulier, (si tu ne sais pas ce qu’est un pep-rally, je ne peux que te vilipender, cher lecteur, et t’enjoindre de relire mes derniers articles sur l’école américaine) suivi du Homecoming game (match de foot) puis du bal, Homecoming Dance. 
Cette tradition qui voulait à l’origine que l’amoureux demande à sa cavalière de l’accompagner au bal de Homecoming en lui offrant une fleur à attacher à son corsage, s’est transformée en un défilé de « Homecoming mums » plus énormes et plus fantaisistes les unes que les autres. Et le Texas, fidèle à l’adage qui veut que tout soit plus gros ici (« everything is bigger in Texas »), a bien fait évoluer les choses.
A première écoute, je me suis demandée pourquoi on mêlait les mamans aux rencontres lubriques d’après-bal. Il s’avère, lecteur avisé, que les mums sont aussi des fleurs,  les chrysanthèmes.
Pour en revenir à notre amoureux qui compte bien aller au minimum en troisième base ce soir, il a donc deux choix qui s’offrent à lui concernant l’acquisition de la mum: 
-il demande à Maman de la faire. 
-il demande à Maman de l’acheter. Et la maman de se tourner vers une professionnelle de la Mum. Car oui, c’est un métier. 

Sache que le garçon peut lui aussi recevoir une mum qui s’appellera une « garter », une jarretière qu’il porte à son bras et qui est généralement assortie à la mum de sa date (à prononcer « dèïte » et se traduit par « son rencard »).

Venons-en maintenant au prix de la guirlande: de 60 à 300$.
Imagine toi, une décoration composée de rubans aux couleurs de l’école, qui est suspendue autour du cou de la gente demoiselle, et qui comporte des leds (oui, leds, comme dans un magasin de luminaires, il n’y a pas d’erreur) des ours en peluches, des noeuds plus ou moins conséquents (plutôt plus), des enceintes pour le son et à l’occasion des clochettes.  L’évolution de cette tradition est réellement « out of control » (hors de contrôle) d’après les dires de mes indics texanes...



Je te sens dubitatif, je comprends. 
Que ce soit clair, il ne s’agit pas d’une tradition confidentielle, qui n’aurait cours que dans un lointain et obscur coin du Texas. Il s’agit bel et bien de quelque chose d’important et de très suivi. 

Certaines de mes amies texanes m’ont fait part de leurs doutes concernant le bon goût et l’utilité de la chose. Un peu embarrassées, certaines d’entre elles ont même suggéré que ça ne risquait pas d’arriver en France. Pour ma part, si on me promet des matchs de foot, des graduations, des pep-rallys, des bals et des quaterbacks, je veux bien refaire tout le lycée avec tout le merdier suspendu autour du cou, pendant trois ans sans problèmes. 

Le point vocabulaire

Je vais saisir l’occasion de ce billet concernant la période délicieuse et ingrate qu’est l’adolescence pour te donner quelques infos précieuses de vocabulaire au cas où, lecteur, tu aurais:
1/moins de vingt ans 
2/serais parent d'un "moins de vingt ans"
3/ ou aurais prévu de te réincarner en teenager américain dans ta prochaine vie. 

Si on te pose la question « Did you french her ? »
Sache que l’on ne parle pas manucure. Il y a de fortes chances que ton interlocuteur fasse référence au french kiss. 
A traduire par « t’as mis la langue? » 
Question posée à répétition au lendemain de Homecoming, j’ai mes sources. Note que le Français a donc un verbe pour l'honorer sur la question technique du « comment aller en première base? » et ça ravit notre orgueil de Latin Lover.

C’est avec une grande délicatesse que je vais traiter maintenant de la question du Zoum zoum zang.
Si on te pose la question  «  Did you go to first/second/third base yesterday? »(t’es allé en première/seconde/troisième base hier?)
Cette référence sportive, plus précisément de base ball, n’a aucun rapport avec un quelconque loto sportif. Il s’agit de la zone géographique où se sont focalisées les attentions de l’amoureux transi qui t’a offert une Homecoming mum de compétition et qui s’attend à ce que tu lui prouves ta reconnaissance à l’arrière de la Mustang. 
Je laisse à ton imagination fertile le soin de t’indiquer à quoi correspondent les bases, sachant qu’en première base, comme au base ball, les coups en-dessous de la ceinture ne sont pas tolérés…





lundi 26 septembre 2016

Once upon a time in Texas


 
Hico, Texas. Figée dans le temps.


La première fois que j’ai atterri sur le territoire américain, j’avais les larmes aux yeux, excitée de toucher du doigt un rêve, triste de réaliser que j’allais m’éloigner de ceux que j’aimais pour un moment. 
La tête dévissée pour tenter d’apercevoir des champs, des vaches ou des puits de pétrole par le hublot, je n’ai vu que le sol d’une platitude sidérante, recouvert de villes symétriques, de maisons identiques et d’autoroutes enchevêtrées. 
L’avion s’est posé et même si on était là juste pour un « touch and go » d’une semaine, je savais déjà que j’allais aimer ça. 

Aujourd’hui, je te raconte notre arrivée au Texas.

La société de l'Homme, grâce à laquelle nous sommes arrivés là, a fait les choses en grand. Elle ne nous a pas lâché dans la nature somme toute inhospitalière du Texas du jour au lendemain. C’est ainsi que nous avons débarqués un beau matin de Juin, à l’occasion de notre « Look and see trip », (à traduire par « va voir si ça te plait avant de couter un bras à la boite en déménagement-container transatlantique-emménagement ») en terre texane. 
Nous avons passé la majeure partie de la semaine à somnoler dans le truck de Barry. Barry, c’était l’agent immobilier chargé par la société de l’Homme de nous faire visiter un maximum de maisons en un minimum de temps. C’était la mi-Juin, il faisait chaud, les routes du coin étaient en travaux et on était en plein jet-lag.

Je passe sur le nombre de fois que l’un d’entre nous s’est endormi dans le gros truck cinq places de Barry, dodelinant de la tête, la bave aux lèvres, pour se réveiller en nage, dans les embouteillages, au son de la voix de Barry qui pestait contre son GPS et les légendaires bouchons de la Highway entre Fort Worth et Dallas. Barry était super cool. « Born and raised in Texas » (né et élevé au Texas), il avait un accent texan à couper au couteau et aimait bien faire des jeux de mots. Imagine le challenge. Assise à l’avant, luttant avec le sommeil et le vocabulaire nébuleux du Texan je ne comprenais jamais rien. Ce qui l’incita vers le milieu de la semaine à déclarer qu’il faisait sa dernière blague vu le manque de réactivité de l’audience.
Il a quand même trouvé le temps de me lâcher un « man’s got to do what a man’s got to do » (un homme doit faire ce qu’il a à faire) très John Wayne, en m’expliquant sa rencontre avec sa femme…

Ah, on en a vu des maisons. On en a vu dans un peu tous les genres, dans tous les coins du comté. Des petites avec des versets de la Bible imprimés au pochoir sur les murs du salon, des surprenantes avec piscine, salle de billard et salle de ciné, des moches disponibles et des grandes réservées. Pourtant, on n’était pas particulièrement difficile. On voulait une maison où poser nos valises, reconstruire un nid, où l’on pourrait être heureux. 
De préférence, de plain-pied. Point. 

Photo volée par Mimie, 9ans.


L’influence de l’altitude je suppose, on planait toujours à 10000. C’est Barry qui s’est chargé de nous rappeler qu’il y avait un critère imparable à prendre en compte: 
La qualité du district scolaire.

On a donc d’abord tourné autour de la Dallas International School, au nord de Dallas, où l’on retrouverait pas mal de la communauté française. Pour plusieurs raisons qui nous sont personnelles, (mais pas secrètes, suffit de demander) nous avons finalement décidé de ne pas y inscrire les enfants. 
On trouvait une immersion totale chez les autochtones tellement plus excitante. Rendez-vous en terre inconnue au Texas, une plongée au milieu des stades géants, des églises de toutes confessions, des ranchs, des prairies, et des longhorns sur la route du supermarché.
On a donc continué nos visites.
Et il y a eu celle pour laquelle j’aurais tout donné. 
L’annonce disait « animaux domestiques interdits, chevaux acceptés »
Je te parlerais bien du jardin sauf qu’il s’agissait pas d’un jardin, c’était une prairie. Et puis, il ne s’agissait pas d’une maison, c’était un ranch. 
On est resté un long moment à l’intérieur, je me projetais à mort. J’en étais mentalement à choisir la couleur des rideaux quand on est sorti admirer la prairie où iraient s’ébattre nos hypothétiques mustangs.
C’est là qu’un avion est passé, le train d’atterrissage a brossé la cime des arbres, la petite a eu peur, nos cerveaux ont fondu dans le bruit, on a attendu cinq minutes avant de pouvoir s’entendre dire, « finalement, c’est non ».
On a donc repris la recherche. 
On casait les visites immobilières entre le rodéo, les dégustations de brisket, les cadeaux à ramener à la famille et aux copains, la traversée de Dallas, la visite de Fort Worth. On en prenait plein les yeux. On commençait à comprendre que malgré nos doutes et nos appréhensions, on pourrait passer un moment agréable dans les parages.

La semaine s’est finalement achevée sur un sentiment d’échec. On repartait en France bredouille. Barry nous a encouragé à envoyer  notre dossier pour une jolie maison qui nous plaisait bien, à mi-chemin entre Dallas et Fort Worth, chouettes écoles, résidences proprettes et calmes. On n'y croyait pas vraiment, nous étions sur liste d’attente. 
Mais c’était sans compter sur l’étonnante M., celle qui est aujourd’hui notre proprio. 

C'est nous qu'elle a choisi. Les français. Et nous répète à chacun de nos échanges qu'elle ne l'a jamais regretté.






vendredi 16 septembre 2016

L'école américaine partie 3


Je ne comptais pas vraiment te donner des nouvelles de moi aujourd’hui, mais il semblerait que ce soit la semaine des célébrations dans les écoles. 

Ce matin, j’ai mis la main dans un nid de « fire ants » (indice: ce n’est pas un hasard si elles s’appellent les « fourmis de feu ») par miracle je venais d’enfiler des gants. Je vais donc célébrer le fait d’avoir encore mes deux mains valides en te tapotant le déroulement de notre semaine scolaire texane.


Aujourd’hui, outre le week end, c’est Citizenship Day. 
Les enfants sont donc invités à porter du bleu- blanc -rouge. Les drapeaux, noeuds ou écharpes aux couleurs du drapeau étant aussi les bienvenus. La Band des Junior High d’à côté va jouer pour mon plus grand plaisir mais aussi accompagner la chorale  de l'élémentaire au moment de l’hymne américain, the National Anthem (et devine quoi: ma fille est dans la chorale et mon fils dans la Band je sais plus si je l’ai précisé les douze dernières fois que j’ai abordé le sujet).
La prof de musique a briefé la chorale hier en leur expliquant que la Band a la fâcheuse habitude de jouer l’hymne trop vite. Ce que ma fille a répété à son frère, ce qui n’a pas manqué de provoquer un échange assez houleux, chacun prêchant pour sa paroisse. « C’est les gens du showbiz qui le joue doucement  pour faire des vocalises, mais c’est pas comme ça que ça se joue à la base j’te dis » d’après l’opinion du clan des musicos.

Les Scouts du coin sont là aussi pour procéder à la levée des couleurs, drapeau américain et drapeau texan, suivi du Pledge of Allegiance, le serment d’allégeance au drapeau des Etats Unis suivi du serment d’allégeance au drapeau du Texas. Les enfants et les adultes se tournent alors vers les drapeaux, main sur le coeur et récitent:

« I pledge allegiance to the Flag of the United States of America, and to the Republic for which it stands, one Nation under God, indivisible, with liberty and justice for all. »
« Honor the Texas flag; I pledge allegiance to thee, Texas, one state under God, one and indivisible. »

Une dame dont j’ignore l’identité leur a ensuite fait un long discours improvisé sur ce qu’est la citoyenneté et surtout être un bon citoyen.  C’est là qu’elle a parlé d’un gars qui sortait ses poubelles ce matin puis de son chien qui était un citoyen de sa maison, mais je crois qu’elle avait déjà perdu la moitié de l’audience au moment des poubelles. Du coup, certains gamins ont raté son explication sur le fait que tu n’es pas que le citoyen de ta ville mais tu es aussi un citoyen du monde. Dommage ils auraient pu expliquer à certains de leurs parents que non-non, il y a bien d'autres pays autour du globe.  
La célébration a pris fin au son de la Band, en musique, sur de bonnes paroles et de beaux sentiments. 

Ça m’a fait penser à la parade de samedi dernier, au cours de laquelle la Band de Trinity, le lycée du coin, a arpenté les rues de notre ville à pied, pendant plus de cinq heures en jouant de la « pep music ». J'ai dit pep, non pas pop, note bien. Les habitants pouvaient commander un air en particulier et la Band s’arrêtait devant chez eux et jouait pour eux! 
Nous, les parents, suivions en voiture, escortés par la police qui ouvrait la route; notre rôle étant de saluer les gens sur les bords de route, trop fiers de nos rejetons, qui finissaient  ravis mais cuits (au propre comme au figuré) leur tour de ville. 
Il s’agissait d’une première pour mon trompettiste favori qui n’est pas encore Marching Band, puisqu’il n’est pas encore au lycée mais était toutefois invité à participer. Les habitants se sont prêtés au jeu avec un grand plaisir et mon fils a trouvé génial de jouer dans la rue en marchant. Il m’a même raconté qu’ils avaient joué « Happy birthday » à une vieille dame qui en a pleuré de bonheur.

Et puis Jeudi matin, il y a eu un Pep rallye à Harwood Junior High. A cette occasion, toute l’école se rassemble dans le gymnase, la Band joue, les gymnastes et les cheerleaders font des démonstrations de leurs prouesses et un prof joue le maitre de cérémonie au micro. Le but de ses rassemblements: exciter ou raviver l’enthousiasme des élèves pour leur école et leurs athlètes. C’était le premier pep rally de l’année, les prochains seront moins timides. Le maitre de cérémonie a du s’y reprendre à deux fois pour que les 7th graders (niveau cinquième) participent au concours de bruit. 
On croit rêver.



















vendredi 26 août 2016

L'Ane et l'Eléphant, une fable ou du cirque?


L'Ane Démocrate et l'Eléphant Républicain

Il en est de ce blog comme des repas dominicaux, on s’abstient d’y discuter de sujets qui fâchent genre politique et religion, pour éviter les drames de fin de repas. Inutile de jouer à la vierge effarouchée, je ne connais personne qui n’ait jamais subi les tirades fascistes d’un arrière grand oncle aviné ou les envolées trotskistes d’un cousin énervé à l’occasion d’un banquet familial.

Mais, depuis que les élections ont pointé le bout de leur nez, j’observe ce qui se passe autour de moi et crois-moi, il y a matière à réfléchir.
J’habite donc au Texas qui est un état notoirement républicain. Malgré tout, comme je te l’ai déjà expliqué, dans les grandes villes telles que Dallas, Austin et Houston, la population vote généralement démocrate. 
Au début de l’année, les Texans croyaient très fort en la candidature du gars du pays, Ted Cruz (né au Canada, mais ne chipotons pas). Même si tu ne t’intéresses que de très loin aux élections américaines, tu as déjà entendu parler de lui. 
Cruz est sénateur du Texas, avec quelques accointances du côté du Tea Party, Sarah Palin et les Evangélistes. Son nom a défrayé la chronique lorsque le délicat Donald Trump a entre autres, accusé  le père de Cruz d’avoir trempé dans l’assassinat de JFK. Le papa de Ted, Cubain,  apparaitrait selon Trump sur une photo floue près d’Oswald. Puis il a attaqué la femme du texan sur son physique (il a clairement sous-entendu qu’Heidi Cruz est moche) après que des supporters de Cruz aient publié une photo de Melania Trump, en avion, nonchalamment allongée sur une peau de bête, la raie à l’air et non, je ne parle pas de ses cheveux.
 « Voici votre nouvelle première dame, ou sinon votez Cruz mardi » tel était le sous-titre. Je suis à peu près sûre que l'affiche a été efficace dans les deux sens, certains fantasmant déjà sur les vols longs courriers d’Air Force One.
Même si ça me fait bien rire, inutile de pérorer. En France on a eu notre lot d’épouses, concubines et maitresses en tout genre qui ont fait marrer la Terre entière. 

La déconvenue de Ted Cruz a été un coup pour certains de mes amis texans qui reconnaissaient ne plus savoir pour qui voter puisque leur poulain était déjà hors course après le premier virage. Ils ne soutiennent ni Hillary, une menteuse et un escroc d’après eux, ni Trump dans lequel ils ne se reconnaissent pas du tout. 
Ils ont donc une sacrée épine dans le pied, et crois-moi, les réseaux sociaux ont été le lieu de disputes épiques et discussions venimeuses ces derniers mois. Les articles s’y sont succédés me mettant au bord de l’overdose, à la limite de bloquer certains amis du coin qui avaient tendance à oublier que Facebook n’est pas une tribune politique. L’amertume augmentant proportionnellement avec la gravité de l'enjeu.

Petit flash-back sur les faits.

Quelques semaines avant le Super Tuesday, les panneaux se sont mis à fleurir dans les jardins claironnant pour qui l’heureux propriétaire allait voter. On a donc découvert que nos voisins étaient des fervents soutiens de Trump n’hésitant pas à placer un autocollant sur leurs voitures, et planter un panneau « Make America great again » dans les hortensias. 
Au plus le temps passait, au plus la position des panneaux s’affermissait et leur nombre croissait. Une propriété cossue du coin allant jusqu’à compter 8 panneaux  "Trump" dans son carré de pelouse au moment de la Convention de Cleveland.


A la bibliothèque de ma ville, impossible de sortir de ma voiture sans être assaillie par une foule de militants, prospectus en main, qui espéraient influencer les indécis. Ainsi je lisais une profonde déception dans leurs yeux à chacun de mes passages, lorsqu’ils me demandaient :
« Vous êtes venus  voter? 
-Non
-Demain alors?
-Non plus 
-Mais vous savez pour qui vous allez voter?
-J'vous le dirai pas. » 
Quelle blagueuse je fais.

Amusant aussi de constater que seuls deux malheureux panneaux Bernie Sanders étaient visibles dans ma ville: sur le tacot le plus modeste que tu puisses trouver dans le coin, et au 2è étage d’une villa, sur une fenêtre. Un peu comme si un des gamins de la maison avait voulu faire une bonne blague à ses parents.


Rififi chez les Eléphants.

Mais la Convention réservait aussi bien des surprises, notamment le malicieux Ted Cruz qui devait lors de son speech, faire allégeance à Trump. Après les querelles, insultes et coup bas qui avaient émaillés la campagne au printemps, il fallait faire table rase et réunir le camp Républicain et surtout que le Sénateur du Texas montre la voie à ses ouailles. 
C’est là que la scène devient croustillante, Ted regarde ostensiblement vers 2020 en prononçant ses mots: « Vote your conscience » sans prononcer le nom de Trump. Il  lui refuse sciemment son soutien. Cruz sort sous les huées du public mais souriant. Trump enrage mais pour ne pas perdre la face, tweete qu’il connaissait le discours à l’avance et l’a laissé faire. 
Dans le magazine Texas Monthly, les envoyés spéciaux rapportent avoir entendu dans la foule « Il a des couilles le Texan » ou autre « Si je pouvais, je l’adopterais ». 

Vengeance pour son père, vengeance pour sa femme Heidi. Ici, on a salué de toutes parts le baroud d'honneur de Cruz: «  Au Texas, la famille c’est sacré. » 







mercredi 27 juillet 2016

Des animaux et des hommes



Comme tu le sais, j’habite au Texas. Et comme tu l’as peut-être remarqué, je ne suis pas la plus grande courageuse du monde quand il s’agit de bêtes à quatre, six, huit ou mille pattes.
J’adore camper. Sereinement. 
J’aime la nature, le vent dans les arbres, les pieds dans l’herbe, le regard perdu dans le lointain. Déjà à l’époque où nous vivions en France, je rabâchais aux enfants de ne pas soulever de pierres dans les bois et d’éviter de mettre les doigts dans les trous en forêt. Alors au Texas, on est passé à la vitesse supérieure. On regarde où on met les pieds, on écoute un hypothétique chant de crotale aux aguets, on met du spray anti-moustiques et on ne fout plus les pieds à Joe Pool Lake jusqu’à l’hiver prochain.

Un voisin a tué un copperhead (une vipère cuivrée) dans son jardin il y a quelques jours. Apparemment, il y a une recrudescence cette année. Ces serpents sont attirés par les cigales qui chantent la nuit et non pas aux heures les plus chaudes du jour comme par chez nous, en France. Elles ont une taille imposante et font un snack de choix pour les copperheads la nuit venue. D’où l’article de ce journal texan, la semaine dernière qui conseillait: « si vous faites une petite balade nocturne, regardez où vous mettez les pieds ».

En vacances, je ne lâche pas l’affaire. La première année, dans les grands parcs de l’Ouest, j’ai donné pour consigne de fermer la porte de la voiture des qu’on s’en éloignait. J’imagine le serpent vicieux capable d’établir son campement sous un fauteuil douillet en attendant son potentiel repas. La faute à la maitresse de CM1: Je pense que si je n’avais pas lu Riki Tiki Tavi à neuf ans je ne serais pas aussi traumatisée. Le coup du cobra lové sous la cuvette des toilettes m’a choqué à jamais.
Puis, il y a eu les trois nuits de camping de Charleston au bord du lac, dans lequel flottait un bébé alligator. La gérante du camping à qui je demandais si on avait aperçu ses parents récemment m’a répondu: « ils vivent dans un autre lac, plus loin ». Rétrospectivement, je pense qu’elle se foutait de moi. Bref, trois nuits à tenir les enfants éloignés des bords de la tente au cas où le bébé aurait eu besoin d’un encas nocturne. 
Puis, l’arrivée à Nashville et l’épisode des punaises de lit.
Suivi de Memphis, son camping, ses posters « attention aux tiques », « attention aux serpents » tout ça pour écouter des coyotes s’interpeler toute la nuit à la sortie de la tente et finalement se faire piquer par des mouches microscopiques au petit matin. 

Cette année, la destination était le Colorado. 
Première nuit étape à Roswell. Avant de partir, j’avais choisi le Bottomless Lakes State Park pour planter la tente. Mais ça, c’était avant. Avant d’ouvrir la portière et poser le pied à côté d’une mygale morte et de constater que la température était de 44C. L’eau du lac à 34C. Un four sous pyrolyse avec des cancrelats.
On a dormi au motel du coin.
Deux jours plus tard, on a visité le Black Canyon de Gunnison au coeur du Colorado. C’est là qu’on l’a aperçu pour la première fois. 
Il nous a ignoré magistralement. Il se baladait sur la rive opposée de la rivière, nonchalamment. Il a lapé quelques gorgées comme un gros chat douillet, s’est éloigné, puis s’est assis dans l’eau fraiche quelques minutes avant de repartir pour de bon. 
C’était une apparition. C’était le « wow effect » du voyage. La puissance et la beauté de cette énorme bête nous ont laissé sans voix. On était content, on trouvait que la nature était belle. On avait vu LA bête sauvage. L’Ours.
C’est là que j’ai réfléchi finalement à ce dont j’avais vraiment peur. Une sorte de hiérarchie parmi les bestioles qui me foutent vraiment la trouille. Les serpents, l’alligator, les araignées, relégués finalement plus bas.

Puis, on est remonté à la surface, sorti de ce profond canyon, les barres du réseau sont réapparues sur nos téléphones. L’orage menaçait autour des montagnes et promettait d’être violent. On ne savait pas qu’il s’était déjà abattu sur Nice. C’est le texto de ma copine texane, K. qui m’a alerté. « Tu regardes les infos? Appelle tes parents ».

Depuis, j’ai revu ma pyramide des animaux dangereux. 
Le seul qui soit vraiment dangereux, il est sur deux pattes, il est vicieux et tue par plaisir. Mon prof de philo, en terminale, nous a répété plusieurs fois il y a des années de ça « L’homme est un loup pour l’homme ». J’avais pas vraiment saisi l’idée à l’époque et puis, pour être honnête, je m’en foutais un peu. J’étais insouciante comme la plupart des ados de mon âge. Comme ma copine C. que je trouvais super jolie. Elle avait un beau visage et je pensais que si les garçons la regardaient c’est parce qu’elle avait une jolie bouche peinte en rouge, des yeux malicieux et était drôle. Elle souriait tout le temps. 
On avait 17ans. Et on ne savait pas ce que la vie nous réservait. 
Aujourd’hui, C. ne sourit plus. Comme ceux qui ont perdu des êtres chers, elle va égrener les jours et compter des anniversaires fantômes. Elle va assister au spectacle des fêtes de famille chez les voisins et les copains. Elle va imaginer l’avenir de ceux qui ne grandiront pas et ne vieilliront plus. 

Je pense à elle tous les jours et je garde espoir qu’un jour, peut-être, elle sourie à nouveau.