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jeudi 19 octobre 2017

The Son





Je suis toujours ravie d’avoir des commentaires sur mes articles. Je trouve ça super gratifiant quand je constate que la personne qui a commenté n’est pas ma mère, j’ai l’impression de recevoir le Pulitzer.
C’est en lisant un commentaire concernant mes enfants dernièrement que j’ai repensé à la responsabilité qui pèse sur les épaules des parents en expatriation. 
Lorsque nous avons quitté la France, notre fils de 10 ans n’était pas motivé du tout et partait clairement à reculons. Il n’avait pas envie de quitter sa famille, ses copains, son école et le parc où il passait ses mercredis depuis ses 2 ans. 
Il s’est adapté malgré tout, d’abord parce qu’il est un enfant facile et gentil et aussi parce que les professeurs de sa nouvelle école étaient affectueux, compétents et compréhensifs. 
Sa prof de sciences a tout de suite conquis son coeur en lui montrant une bestiole morte, bouffée par les vers près de l’école, suivi d’un serpent à la piqûre mortelle lors d’un sortie scolaire. Ils étaient sur la même longueur d’ondes. 
La prof d’anglais nous a assuré que notre ainé était épatant tous les jours pendant six mois; la prof de maths quant à elle, associait pédagogie et jeux avec succès, bref, la vie était belle. 
Question amitié, notre fils a dès la rentrée été accueilli par un garçon jovial et joufflu qui lui parlait avec les mains, et dont l’oncle travaillait à l’entretien de l’école. Alors que l’année avançait, le gamin s’est montré de plus en plus lunatique et désagréable, jusqu’au jour où il a annoncé qu’il déménageait et a lâché sa bombe. « C’est mon oncle qui m’a demandé d’être copain avec toi au début de l’année, parce qu’il travaille à l’école, en fait, j’en ai jamais rien eu à faire de toi ».
Inutile de dire que la culpabilité parentale s’emballe grave. Non seulement, tu as envie de traiter un dix ans d’enfoiré mais en plus ton fils a le coeur brisé et tu en es responsable, indirectement.
C’est vrai que l’expatriation, c’était notre rêve et c’était surtout un choix ce n’était juste pas le sien. 
C’était notre rêve de montrer à nos enfants un nouveau pays et de partager avec eux de nouvelles richesses malgré l’appréhension, les efforts et les sacrifices.
Aujourd’hui, si on arrive à affronter la frustration du retour et les contrariétés quotidiennes inhérentes à l’impatriation, c’est grâce à tout ce que l’on a vécu là-bas.
Ils ont voyagé, beaucoup, ils ont rencontré des personnes de tous les milieux, des très riches qui se perdaient dans leur grande maison et des copains très pauvres qui mangeaient rien le weekend. Ils ont rencontré des ultra-conservateurs sympathiques, des progressistes hilarants. Ils ont goûté des plats nouveaux avec quelquefois des ingrédients étranges. Ils ont vu des amoureux de tous les âges et de tous les sexes se tenir par la main et parler d’amour. Ils savent que le champion du Texas de lutte féminine est un garçon. Ils ont vu des nanas s’exhiber à demi-nues à La Nouvelle-Orléans et des familles vivre dans des cartons à Los Angeles. Ils ont vu la mort au cimetière d’Arlington et l’Alamo, et ont visité Gettysburg.  Ils citent JFK et connaissent MLK. 
Ils mettent leur main sur le coeur quand ils chantent l’hymne américain et parlent anglais couramment. 

Mais ce qu’ils ont réellement appris pendant ces cinq ans, c’est accepter les autres et leurs différences parce qu’ils savent ce que c’est d’être celui qui est différent.

Après avoir été le "Frenchy" au Texas, il est "le Texan" en France.
Ouray, Colorado.


Quand on est parent, on fait du mieux que l’on peut même si ça n’est pas toujours très réussi. Je leur rappelle généralement que c’est du carburant pour leurs futures visites chez le psy, où ils pourront à loisir déblatérer sur leurs égoïstes parents qui les ont forcés à vivre cinq fantastiques années d’enfer texan.
Alors il est toujours amusant de recevoir des reproches et des conseils de personnes qui assises derrière leur écran, n’ont jamais vécues à l’étranger, n’ont pas d’enfant ou n’ont pas un sou de psychologie. 

Je crois que même si à cause de nous ils ont été stressés quelquefois, si ils ont eu peur, trop froid ou trop chaud, ça valait le coup et je repartirais à la minute, avec eux, là ou ailleurs, si ça se présentait à nouveau.


Le Grand Canyon, North Rim, Angels Window.

samedi 22 juillet 2017

Les amis, ce sont ceux qui savent tout de toi et qui t'aiment quand même.



Je ne sais plus si au cours de ces cinq années je t'ai fait part de l'intéressante étymologie du mot "Texas". Ce mot provient du mot indien "Tejas" qui signifie " amis". J'en profite pour répéter combien le Texan est chaleureux et accueillant tout en te glissant qu'il est quelquefois bien difficile à atteindre. Difficile de pénétrer dans la maison d'un Texan et de s'en faire un ami fidèle à la vie à la mort. 
La solitude fait partie intégrante de nos vies depuis ces cinq dernières années. Des amis ont croisé nos vies, s'y sont attardés un moment avant de prendre la poudre d'escampette. Peu sont ceux que l'on embrassera le dernier jour avec émotion, peu sont ceux que l'on reverra, mais le plus étonnant réside dans l'identité de ceux que je vais pleurer amèrement. 
La personne qui va vraiment me manquer parce qu'elle fait partie de ma vie texane depuis le premier jour est mon "pool guy", Bill. Pour la première fois, je te donne un vrai nom à te mettre sous la dent, parce que Bill, c'est Bill, et qu'une initiale ne pourrait pas lui rendre honneur. Bill, c'est une des premières personnes qui m'ait parlé au Texas. Je l'ai cotoyé pendant cinq ans, tous les vendredis. "Cotoyé" est un mot bien timide pour décrire mon amitié avec ce vieux costaud aux cheveux blancs, perclus de rhumatismes qui passe malgré tout ses journées en génuflexion devant des piscines. 
A une époque, les enfants s'amusaient à dire "Bill, c'est le seul ami de Maman". Probablement vrai. Bill est né le même jour que ma BFF, j’ai tout de suite vu ça comme un signe du destin. 
Il est le seul avec qui j’échangeais des messages avant chaque match des Dallas Cowboys. C'est dire... Il m'a donné ses théories sur l'équipe et surtout m'a expliqué chaque année en avance de phase, pourquoi l’équipe n'irait pas au Super Bowl. 
Il m'a raconté sa vie, ses turpitudes, celles de son fils, et il me parle de sa famille éclatée à chacune de ses visites. Il se marre quand je lui offre de l'eau et grimace quand je bois du Perrier. L’eau, c’est pour la piscine, la bière, ça hydrate. 
Tous les Vendredis, il nous souhaite un bon week end et d’un air complice, me demande invariablement depuis cinq ans de casser quelque chose: "Break something!" en montant dans son énorme pickup rutilant, histoire de se faire des sous. On l'a beaucoup déçu jusqu'à la semaine dernière. 
Piscine inerte sous un soleil de plomb.  Constat sans appel: moteur mort!
En s'extrayant de son truck quelques minutes après mon appel au secours il me regarde, goguenard et me dit: "J'ai dit de casser quelque chose, mais pas quand il fait 40C!"
Comme tous les Vendredis il débarque avec son filet et son saut de chlore, il jure tout en se marrant et en scandant chacun de ses pas d’un "Oh my god, oh my god, oh my god...". 
Il m'a annoncé le mois dernier qu'il avait décidé de tout quitter pour venir en France avec nous, parce qu'ici, sans nous, ça va être déprimant. Personne ne sort jamais de sa maison pour l'accueillir ou juste dire bonjour quand il arrive. La plupart des proprios restent dans leur maison et payent pour ses services pas pour lui faire la causette. 
Je discute avec lui toutes les semaines. Il m’apprend à dépanner la piscine « au cas où », et me raconte les aventures de sa petite fille qu’il idolâtre totalement. 
Je sais pas trop comment on va garder le contact. Comme mon père, il a les doigts abimés des travailleurs manuels et il déteste taper sur les touches du téléphone, trop proches et si ridiculement petites qu’il ne les distingue qu’après avoir posé ses lunettes sur le saut de chlore. 
Du coup, quand je lui texte une question, il répond d’un laconique « K ». 

Je me souviens de ce jour où il est arrivé à la maison alors que je guettais son arrivée derrière les rideaux. Il y avait une énorme araignée vivante juchée sur le panier du skimmer et je voulais le prévenir avant qu’il n’y mette sa main. 
Il sort de sa voiture, attrape son matériel et me suit. Il a l’oeil qui frise, je sens qu'il va se moquer de moi. Il s’accroupit, ouvre la trappe, envoie la main, je la vois avant qu’il ne la voit, je hurle, il crie, on sursaute et il en tombe à la renverse. 
J’en ris encore!

Le moment venu, on va dire au revoir aux rares "locaux de l'étape" qui n’ont pas eu peur d’offrir leur amitié à des gens de passage parce que finalement, on n’a jamais trop d’amis.
On va dire au revoir à tous ces autres expats et transplantés, qui n’auront pas peur j’en suis sure, de venir nous voir sur un autre continent.
Et puis surtout, nous allons retrouver tous ceux qui nous ont attendus et ne s’en sont pas lassés. 
A eux, je vais leur dire les mêmes mots que Bill quand il est monté pour la dernière fois dans son pickup sans me regarder « I love you, guys ».


Au cours de mes lectures, lorsque j’étais étudiante, je suis tombée sur un mémoire de thèse dont l’auteur avait rédigé ces quelques mots dans ses remerciements, je n’ai aucun souvenir de son identité, je doute qu’il passe par ici, mais s’il le fait, qu’il y voit un hommage!

« J’eusse aimé, enfin, passer en revue ceux, individus, à qui j’ai mendié quelque aide et qui m’ont ignoré ou éjecté. Un dernier sentiment de charité et de pitié m’en empêche.

Que tous, amis ou ennemis, trouvent un jour ce que j’ai trouvé en eux : générosité ou stérilité. »