jeudi 15 juin 2017

L'impatriation is a bitch



Toi qui crois que le retour d’expatriation est un processus pénible, sache que c’est faux. En vrai, c’est pire. L’impatriation is a bitch. 

Toi qui me crois en train de remplir des cartons avec amour et papier bulle, sache qu’il n’en est rien. 
Je râle et je panique, en alternance, toute la journée.
Je panique parce que j’ai l’impression que ces cinq années sont passées trop vite. J’ai encore beaucoup trop de choses à voir, à manger et à faire pour que ce soit déjà fini. C’était hier que je croyais partir pour trois ans et que je m’angoissais à l’idée que ça allait être « beaucoup trop long »!
Je râle, parce que c’est dans mon ADN. D’ailleurs si tu étais en vacances à Chicago l’été dernier et que tu as entendu une Française râler que le GPS de son téléphone ne marchait pas au milieu des buildings. C’était moi!

Je m’inscris à tous les groupes d’expatriés et de retour d’expatriation dans l’espoir de trouver des réponses aux questions que je ne me pose pas encore.
Je contemple avec effroi la plupart de ces sites où des pauvres âmes en peine ont erré avant moi, et où ils ont laissé une trace de leur passage comme un appel au secours dessiné dans le sable d’une ile déserte. Demain, il y aura d’autres appels au secours qui les recouvriront par vague. Et tu m’oublieras, moi et ma question, comme dans une chanson de Larusso.
Toutes ces questions que l’on pose à ceux qui ont survécu au retour dans l’espoir qu’ils nous disent que c’est indolore et que tout va bien se passer. 
Et la sécu? Et les allocs? Et l’école de mon fils? Et mon chat? Ah, celle-là, elle est de moi. Mon chat texan qui va quitter son pays à tout jamais dans un sac en bandoulière sous un siège d’avion, comme un malpropre. 
D’ailleurs à ce sujet, je te déconseille fortement tout vol transatlantique au mois de Juillet, si tu es 1) allergique aux miaulements hystériques 2) allergique au poil de Charlie.

Pour ceux qui seraient venus trouver du réconfort dans ces pages, circulez, y’a rien à voir. 
Pas d’inquiétude, la ptite dame va s’en sortir. Si elle n’a étranglé personne avec son papier bulle d’ici le départ.
La propriétaire a mis la maison en vente et a trouvé acquéreur en trois jours alors que nous, nous ne savons même pas encore où nous allons poser nos valises en arrivant en France. 
Je te passe le bonheur des visites, du va et vient de ces inconnus que je surveille d’un sale oeil alors qu’ils déambulent dans MA maison, MES meubles et MA vie. Je te passe les hurlements que j’ai poussé lorsque j’ai trouvé trois jardiniers en train d’élaguer des arbres dans mon jardin, alors que ma proprio les avait embauché et qu’ils n’ont pas cru bon de me prévenir ou de sonner avant d’entrer. Je te passe aussi ma surprise quand un agent immobilier est entré sans sonner (une clé est placée dans un boitier à code sur la porte d’entrée pour les clients qui acceptent les visites en leur absence) alors qu’il savait que la maison était habitée. Je te passe aussi les rendez-vous annulés avec 24 heures de retard. Et les recommandations de l’agent immobilier m’enjoignant de quitter ma maison lors des visites parce que ça gêne les hypothétiques acheteurs. 
Je ne te parlerai pas non plus de l’inspection (sorte de diagnostic) qui va durer quatre heures, demain, chez moi, et je te le donne en mille: une fois encore on nous a conseillé de quitter la maison pour ne pas  gêner. Un dernier pour la route parce que je suis au 36è dessous et que je viens de fermer ma porte sur eux: ceux qui débarquent avec toute la famille maternelle et paternelle quand tu prépares ta quiche, l’air impassible. Le plus marrant c’est que ma présence ne les a pas empêché de tourner autour de moi en débattant de l’éclairage de la cuisine et de la couleur de la porte des placards.
J’ai l’impression d’être dans le Truman show. 
Ou bien je vis dans un appartement témoin. 
Les gens rentrent et sortent, certains sans même un bonjour, ils pénètrent dans notre vie, observent notre façon de vivre et comparent surement. Ils pourront dire à leurs amis que « la Française cuisine mais a l’air revêche » et  que « le Français est radin sur la clim ». 

Ce n’est qu’un début et je sais, l’amertume, c’est moche. 


20 commentaires:

  1. Tu vas faire la même chose aux dames que tu croiseras dans leur cuisine en visitant les maisons à Aix: "bonjour Madame, on visite juste vos placards. Tiens j'aurais pas fait la quiche comme ça au Texas moi..." pour le reste Ben on va dire que le meilleur des remèdes est de s'amuser à éclater méthodiquement entre tes doigts chaque bulle du papier recouvrant tes meubles à ton arrivée et une fois que ce sera fait, il sera l'heure de décider que tu vas profiter de ce retour et un de ces nouvelles perspectives avec nous!!! L'impatriation c'est l'horreur mais' nous on se languit votre retour quand même! Je vous embrasse

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    1. Je compte sur toi pour m'aider à crever quelques bulles, ça ira plus vite... Bisous et à très bientôt!

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  2. Oh lala ma pauvre...
    Ici ça se passe différemment mais je sais que je ne suis pas à l'abri d'un retour de bâton appelé "nostalgie". Je crois que le plus dur viendra après l'été et l'euphorie de notre installation. L'automne où j'ai mes plus beaux souvenirs d'Ohio, ses couleurs et les fêtes qui s'organisent deux mois à l'avance dans les rayons : Halloween/thanksgiving puis après, évidemment, Noël. De beaux souvenirs de paysages enneigés en écoutant les chansons US de Noël. Ouai je crois que c'est là que ça va douiller pour moi.
    Courage Sophie, essaie de garder ton papier à bulles pour ton déménagement, n'étouffe personne avec !

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    1. Oui, la belle saison va nous faire oublier que ce ne sont pas que des vacances... Après faudra gérer... Merci Carine et à bientôt!

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  3. Tu me fais mourir de rire comme d'habitude, mais je sais quand même lire entre les lignes que c'est super dur pour toi, pour vous, ce retour en France. Mais sache qu'en ce qui nous concerne, très égoïstement, on est tellement contentes que vous rentriez... Allez courage! Virginie R.

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    1. Je te remercie de me lire fidèlement depuis longtemps, et nous aussi on a hâte de vous retrouver! bisous les filles!

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  4. Hello, toi tu pars, moi j'arrive, le nombre de Français au Texas va rester quasiment le même. Peut être que nous allons nous croiser à l'aéroport...
    Nous n'y resterons qu'un an, mais déjà après avoir lu tes différentes histoires et l'"aventure" du retour, je n'ai pas envie d'être en 2018.
    Bon courage pour toutes tes préparations et pour ton retour en France.

    Xavier.

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    1. J'espere bien avoir un retour sur votre expérience. Profitez de chaque instant de cette belle aventure, à bientôt!

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  5. je sais que toi ça ne te fait pas rire mais j'ai eu l'impression que c'était ma copine qui a déménagé il y a 3 ans qui écrivait ces lignes. Elle a vécu exactement la même chose que toi et elle les gens voulaient acheté ses meubles et sa déco. gros pétage de cable aussi . Courage, c'est bientôt fini.

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    1. L'histoire de ta copine nous a bien fait rire. c'est énorme quand même!! Merci Delphine

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  6. Ohhh ben ça me fait de la peine de lire ça ! Je te souhaite bon courage, je sais c'est pas grand chose mais si je pouvais faire plus je le ferais :-)

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    1. Merci pour ton mot Stephanie et j'espère bien que l'on se rencontrera en vrai à mon retour (si tu n'es pas partie dans d'autres aventures d'ici là) Bisous et à bientôt!

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  7. C'est clair... Moi aussi l'automne va me manquer avec toutes ces couleurs... On va s'épauler les filles !��

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  8. Bonne chance, nous on a tenu deux ans puis on s'est enfui de la France avec joie et bonheur

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  9. L'horrible impression d'etre entre deux lieux, entre deux vies, mais certainement plus la tienne, qui elle, semble en transit quelque part. Bon courage et plein de bises

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    1. C'est tout à fait ça... Merci pour ton message!

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  10. Bonjour,
    J’aime la précision et le ton de tes articles. L'histoire est tellement intéressant.
    Tenez-moi au courant des prochaines publications.

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  11. "Truman show" ou bien "je vis dans un appartement témoin". Excellente description de l'indifférence de l'agent immobilier qui change de d'attitude une fois que tu ne représentes plus un statut de potentiel locataire ou acheteur ;-)

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