mardi 1 décembre 2015
Paris, Texas
A une époque pas si lointaine où notre bonne vieille France n'était pas encore en état de guerre, je te racontais les charmes de l'école américaine. Et ses travers, un peu, aussi.
Je ne vais pas te parler politique, je ne vais pas te raconter ma peur, ma colère et ma panique en ce Vendredi 13, parce que tu as vécu les mêmes.
Je vais essayer de te raconter les réactions de ce côté-ci de l'Atlantique, du moins telles que je les ai vécues.
C'était une belle journée ensoleillée, où je discutais climatisation avec ma copine Texane.
Inutile de chercher à s'entendre, si il y a bien un sujet sur lequel on ne le pourra jamais, c'est celui-là.
Donc, j'expliquais à ma copine K. les méfaits de la clim sur ma carcasse à grand renfort de termes médicaux en -ite, lorsque j'ai reçu un coup de fil de mon neveu parisien qui m'expliquait que quelque chose de grave était arrivé.
C'est un peu comme le jour de l'assassinat de JFK ou 9/11, tout le monde sait exactement ce qu'il était en train de faire et comment il a appris le drame. L'instant d'avant, tu regardes trois gamines de neuf ans chanter à tue-tête, au milieu d'un salon ensoleillé, en te marrant sur la température glaciale à laquelle ta copine dort sous une couette en plein été, par 40C dehors. La seconde d'après, tu trembles en te demandant si la guerre est déclarée dans ton pays.
Les Texans ont en grande majorité eu la même réaction: ils nous ont dit avoir prié pour nous et notre famille. Si tu lis assidûment ce blog, tu sais que l'on n'est pas très porté sur la prière à la maison. Mais entendre mes enfants raconter que leurs copains d'école leur avaient demandé des nouvelles de leur famille et leur avaient dit qu'ils avaient prié pour eux nous a fait chaud au coeur.
Combien de fois nous a-t-on pris dans les bras, serré bien fort pour nous influer courage, réconfort ou force?
Combien de personnes nous ont assuré avoir prié pour notre famille?
Combien nous ont envoyé des messages paniqués le soir même?
Combien d'inconnus nous ont assuré qu'ils n'avaient jamais aimé Paris plus fort?
Dans l'esprit des copains d'ici, Paris c'est la France. Et pour une fois c'était pas faux. Même que toute la France était Paris ce soir-là.
P'têt même que l'Amérique était Paris ce soir-là.
J'ai parlé au crossing guard de l'école, un ancien Marines, il y a quelques mois, à mon retour de France en Septembre après l'attentat avorté dans un Thalys.
Il m'a dit :"Je suis très inquiet pour la France. Ça va mal et ce n'est que le début." J'ai souri et je me suis dit que j'avais trouvé plus pessimiste que moi. Il s'avère que finalement, j'avais trouvé moins naïf que moi.
A cet autre, qui m'a dit "Vous comprenez ce que l'Amérique a ressenti le 11 Septembre maintenant...", je n'ai rien répondu.
La tristesse et les drames ne connaissent pas de frontières. Demande à une maman ce qu'elle ressent quand elle apprend la disparition d'un enfant, Maddy au Portugal, un petit réfugié syrien noyé sur une plage... Les petits de l'école Sandy Hook?
Alors, les mamans, combien d'entre vous y pensent encore? Combien ont pleuré devant ces images insupportables? Combien d'entre vous pensent régulièrement aux attentats du 11 Septembre?
On n'a pas besoin de parler la même langue et d'être voisin pour s'imaginer la souffrance des autres et ressentir de la compassion.
Le 11 Septembre 2001, je parie que tu sais ce que tu faisais et que tu te souviens qui t'a annoncé le drame qui se jouait si loin de toi. Combien d'entre nous, qui ne connaissions personne à Manhattan, avons pleuré.
Alors, non, je n'ai pas attendu ce foutu Vendredi 13 à Paris pour comprendre l'Amérique du 11 Septembre.
Nous sommes tous des citoyens du Monde, qu'on le veuille ou pas. Un homme qui meurt, lâchement exécuté alors qu'il boit un verre en humant l'air du temps, qu'il soit à Beyrouth, à Paris, ou à New York est un mort de trop et mérite notre recueillement et notre respect, et non pas un dénombrement macabre des morts, pour savoir à qui revient le diplôme de la plus grande tristesse.
Au début de mon séjour au Texas, j'ai lu une interview d'une célébrité allemande à laquelle un journaliste demandait:"Vous soulevez des fonds pour les enfants de Haiti, vous ne donnez plus pour les enfants dans votre pays, l'Allemagne?"
Elle a répondu "Avant d'être allemande je suis citoyenne du monde, tous les enfants méritent notre attention, ils ont tous la même valeur".
Finalement, c'est notre nombre et notre volonté qui feront la différence. Les populations, où qu'elles soient, l'ont déjà compris. Encore faut-il qu'elles sachent l'exprimer sans haine.
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