lundi 31 août 2015

La rentrée


La semaine dernière, c'était la rentrée des classes.
Une semaine auparavant, nous avons donc participé à "Meet the teachers' night". Comme son nom l'indique, les enfants et les parents s'y rendent pour rencontrer celles et ceux qui les tourmenteront tout au long de l'année.
Sauf qu'ici, personne ne tourmente personne, on se retrouve en se serrant fort dans les bras, de la directrice au concierge, et en se demandant poliment où l'on a bien pu passer les trois mois qui viennent de s'écouler.
Tout le monde nous envie quand on répond Paris, et tout le monde fait la grimace quand on répond New York. C'est génial, on a l'impression qu'on leur a vraiment manqué et qu'on est amis!

Accessoirement, on achète le sac de fournitures scolaires auprès de la PTA, l'association de parents d'élèves. 40$ le sac! Je ne l'ouvre même pas, je n'ai rien eu à faire, pas de cohue dans le Walmart du coin, pas de panique devant la liste interminable dans laquelle se cachent des trucs que même le dictionnaire ne connait pas.
Je me souviens clairement des rentrées au collège, en France, où l'on recevait des listes longues comme le bras, surtout pour le cours d'arts plastiques, où la prof demandait des feuilles aux couleurs mystérieuses, des pinceaux aux dimensions introuvables ou autres feuilles à petits carreaux, à marge rose, perforées, avec des trous d'un diamètre égal à la racine carrée de l'âge du prof de maths. Tout ça, pour finalement ne briller dans aucune des deux matières sus-citées. (Apparemment, en français non plus, la pauvre, sa mère, la pauvre, ça lui a coûté un bras pour élever une analphabète, se disent les mauvaises langues)

Pour la première rentrée, comme nous étions étrangers, et donc dans le besoin après ce grand voyage, nous avons reçu une lettre d'une des grosses paroisses du coin pour aller retirer les fournitures gratuitement auprès d'un de leurs bureaux. Je ne m'y suis pas rendue, c'est bien connu, les expats sont outrageusement riches et il était hors de question de laisser planer un quelconque doute dans l'esprit de qui que ce soit.

Bon, en vrai, on était en vacances et on a raté la date. Mais j'ai quand même refusé poliment le sac de fournitures tout en les remerciant de leur générosité, laissant profiter ceux qui en ont vraiment besoin.

J'ai donc fait ma forte tête, je m'en suis chargée moi-même.
Les différentes listes de fournitures sont disponibles sur des portants dans les rangées du supermarché du quartier, selon la classe et selon l'école: mais oui, nous sommes en Amérique, on ne fait pas les choses à moitié, un minimum de déplacement étant le maître mot.
Jusqu'ici tout va bien.
C'est à la lecture que tu paniques: "Des chemises avec deux ou quatre poches intérieures avec deux battants centraux et des attaches parisiennes."
C'est parti, vous avez cinq minutes pour me traduire ça, et un indice: non, il ne s'agit pas d'un vêtement de pêche ou de chasse avec poches multifonctions mais bel et bien d'une fourniture scolaire...

Cette année, forte de mes expériences passées, j'ai donc commandé le bordel, assez éclectique d'ailleurs: essuie-tout, mouchoirs en papier, lingettes désinfectantes, classeurs, chemises à rabats à poches et machins parisiens... A quand le papier cul renforcé, triple épaisseur, avec impression forestière et senteur boisée?

On a donc fait un détour par Target, LE magasin qui fait frissonner de plaisir toute américaine qui se respecte. Nous aussi on a frissonné quand au détour d'une allée, nous avons déniché un stylo Bic à quatre couleurs. On était tout excité, on en a acheté deux pour fêter ça!

Mais je m'égare. Donc oui, "les enfants ont bien repris le chemin de l'école", selon la formule consacrée et ses rituels ont bien repris:

-Les filles, n'oubliez pas qu'il vous est interdit de porter des tee-shirts à bretelles de moins de trois doigts de larges et des shorts, jupes ou robes moins longs que vos bras.

-Le lavage des mains des élèves avec le flacon de désinfectant sans eau plutôt qu'à l'eau et au savon.

-Les parents et enfants qui se pointent en chaussons et pyj' à l'école sans aucune gêne.

-La cour d'école qui est un champ non clôturé.

-Des maîtres et maîtresses qui ne lèvent JAMAIS la voix, en aucun cas.

-Et voilà déjà revenu le temps des lunch box, que j'abhorre et oui, je pèse mes mots:
1/2 heure pour manger un repas préparé avec amour par tes parents (en vrai par moi, la mère donc) avec un mot doux sur un post-it (en vrai, que le jour de la rentrée, parce que sérieux, si en plus de jouer à Ducasse tous les jours, je dois aussi pondre du Shakespeare tous les matins, les vacances ne sont définitivement pas assez fréquentes) sachant que le repas doit tenir dans une boîte avec des poches à glaces, être équilibré et ne pas susciter des hauts le coeur chez les voisins de table.

Raté! Le premier jour, ma fille ouvre son tupper de dessert dans laquelle j'ai coupé une poire en morceaux, arrosée de quelques gouttes de citron et saupoudrée d'un crumble de spéculoos...
La gamine d'à côté a senti le truc et a produit une grimace ne laissant que peu de place à l'imagination.
Du coup, le lendemain, ma fille a sorti son repas, regardé sa voisine, et  lâché : "Je ne veux rien entendre, je ne veux même pas que tu le regardes!"

Et puis, voilà le retour de la chorégraphie du matin. Mister J., le concierge, se place au milieu de la route, tous les matins, pour faire la circulation, tout en scandant :"Ten minutes" jusqu'à ce que le temps imparti soit écoulé. Miss Lucienne, hurle de sa voix de stentor "Hurryyyyyy" et effraie tout le monde.
Les crossing guards, les bus jaunes, tout ça fait partie de la vie quotidienne de l'école tout comme la vitesse limitée devant l'école aux heures d'arrivée et aux heures de départ, 20mph, ( 30km/h), la menace de se faire arrêter si tu as l'imprudence de te trouver au téléphone dans le secteur de l'école, 200$ d'amende, et la fameuse double-file devant l'école.
Tout le monde peut déposer son enfant au drop off. C'est à dire que tu passes devant l'école, t'arrêtes le temps de le faire descendre et hop, reprends ta route. En aucun cas, tu ne dois te garer, à moins de stopper la circulation.
Sauf que...
Le premier jour d'école, ignorants que nous étions des us et coutumes des autochtones, nous avons enfreint la sacro-sainte règle. Nous nous sommes garés. Lorsque les gars de derrière se sont aperçus que le conducteur, l'Homme, semblait fermement décidé à fermer sa voiture et à la laisser là, je ne te raconte pas la panique: concert de klaxons, le gars de derrière en pleine crise d'apoplexie aussi rouge que ma voiture et Miss Lucienne qui hurlait comme une démente...
Inutile de te décrire l'état d'embarras apocalyptique des gamins pour leur première journée à l'école quand, pour couronner le tout, nous avons traversé hors passage protégé (par Miss Lucienne), dans la panique du moment...
Ça va, ça va, les gars. On se calme. Chez nous la double-file et le faufilage entre les voitures, c'est un art de vivre, ok?

On ne va pas se quitter sans que je te raconte non sans perfidie, l'épisode marrant que notre fils a vécu dans sa classe d'histoire cette semaine. Sa nouvelle prof d'histoire a commencé le programme dès le deuxième jour, les différentes sortes de gouvernement et a directement embrayé sur la monarchie.
Elle a donc cité différents pays d'Europe qui vivent sous le règne de la monarchie: Angleterre, Espagne... et France!
Là, notre fils lève le doigt et lui dit: "Madame, il n'y a plus de roi en France!"
Les autres enfants autour commencent à chuchoter : "Ouais, vas-y! Dis-lui" en riant.
La prof, un peu gênée, "Ah bon?"
Le petit reprend, "Je vous assure, ils sont morts y'a longtemps."
Et elle: "Ah oui, voilà, c'est ce que je voulais dire."



lundi 3 août 2015

L'Amour dure 3 ans



Apparemment, quand on célèbre un anniversaire un peu particulier, il est de bon ton de faire THE bilan. Perso, je ne sais pas trop, je suis intimement convaincue que le temps n'est pas cyclique mais linéaire et je m'octroie donc le droit de vieillir uniquement lorsque je suis prête et d'humeur.

Par contre, j'ai plusieurs raisons de célébrer cette fois sans prendre une ride:
Tout d'abord, je viens de pénétrer dans mon 17ème état américain et j'en suis super fière. Sauf que ce n'était pas un road trip, du coup, j'ai été volée sur la quantité et la qualité du voyage parce que les sky trips c'est moins rigolo et plus stressant, du coup, je m'inquiète, du coup, je me ride, du coup, je vieillis et du coup je dois réévaluer mon âge. Et le personnel de bord a beau être sympathique, on rencontre moins de monde, la découverte gastronomique est sérieusement restreinte, et tu peux pas acheter du fudge, des milk skakes et des magnets sur le chemin des toilettes, sans déclencher un regard inquiet de l'hôtesse.

Et oui, à l'occasion de notre voyage annuel dans la mère patrie, nous avons fait une petite halte dans un petit village de charme sur la côte Atlantique qui se nomme New York, je sais pas si tu connais.


Le principe était surtout de s'arrêter sur le trajet, un peu comme une énorme pause pipi sur la route des vacances. 
Surtout que vu les odeurs dans la rue, c'était super propice, pas besoin de se concentrer, le cerveau se dit: "Ah! Je reconnais cette odeur d'urine. Hé! En bas, préparez-vous, on doit pas être loin d'une aire d'autoroute!"

Perso, je m'attendais au mieux, à avoir une épiphanie ou un truc du genre en arrivant dans la grosse pomme, surtout qu'avant de se poser, on a survolé la Statue et là ça m'avait un peu mis les poils comme dit Jennifer, la poétesse de The Voice, au pire, des trémolos dans la voix au moment de repartir.
Finalement, New York, c'est tout ce que j'attendais.
Une ville qui va te saouler jusqu'à la gueule de bois. Tu en prends pleins les yeux, les oreilles, les pieds et pas mal dans le nez.




On a tenté d'analyser l'étendue des dégâts.
Pourquoi on n'est pas tombé en pâmoison?  Comment annoncer que t'as pas epiphané à NY sans passer pour un rabat-joie, un peu blasé? 
Déjà, on a évité les discours du genre: "NY? Mouais... bof, tu sais quand t'as vu la skyline de L.A., la chaleur de Savannah, la marée humaine de Vegas, tu sais NY c'est un peu show off, tu vois?"

-D'abord, on s'est dit qu'après trois ans de vie texane et de road trips, ben, New York, c'est un peu un pétard mouillé. On aurait eu un plus gros choc en la découvrant, vierges de l'Amérique.

-Ensuite, en arrivant tout frais de notre Texas, où la vie se fait dans des espaces à perte de vue, où le stress de la vie quotidienne revient à peu près à se demander si chez Starbuck's, y'aura mon "Peach ice tea lemonade, version thé vert", on s'est dit que pour sûr, on n'est pas des citadins. La surprise à l'arrivée quand tu regardes tes photos et que tu découvres que la libellule perdue sur Times Square a autant de clichés que l'Empire State Building le soir du 4 Juillet!
Ouais, je sais, ça fait bête, hein, mais vraiment, pendant ce voyage, j'ai compris un truc; c'est que clairement, ils ont beau vivre aux Etats- Unis, les américains vivent quelquefois dans deux pays différents.


- Je pourrais parler de la saleté et des odeurs des rues pendant un moment mais après on pourrait croire que je n'ai pas aimé cette ville, ce qui est faux, c'était un chouette voyage, une belle semaine, des endroits mythiques enfin découverts, une sorte de voyage initiatique nécessaire quand t'es un voyageur compulsif.





Bref, on a visité New York. Mais au départ c'était pas de ça que je voulais te causer, d'où ma deuxième raison de célébrer.

Voilà, demain, ça fera trois ans que nous avons débarqué au Texas. 
Trois ans déjà que j'ai écrasé ma larmichette en regardant par le hublot et en me disant "Ça y est, je vais vivre en Amérique!"
Après la trouille, l'euphorie, la nostalgie et l'inquiétude des débuts, il reste quoi?

Même si on a eu des moments de merde, même si j'ai paniqué, pleuré, et enragé plus d'une fois, je crois que le bilan est positif, on est heureux et on a pas mal évolué, en bien quelquefois, au cours de ces 3 dernières années.

-Dorénavant, j'éternue et je tousse dans mon coude. On pourrait discuter de mon choix de placer cette "évolution" en premier, mais c'est quand même un truc super important l'hygiène, et t'as pas vu la tête d'un autochtone à qui t'empruntes sa souris après avoir éternué dans ta main en pleine épidémie Ebola...

-Je ne klaxonne plus au volant et si je hurle des insanités aux conducteurs texans trop mous ou empotés, c'est en toute discrétion, dans ma voiture, vitres teintées fermées. (Oui, à ce sujet, on devrait sérieusement repenser le problème du permis à 16 ans avant ton départ, Barack.) Je me suis considérablement calmée avec un volant entre les mains et je tiens à présenter mes excuses à la personne que j'ai poursuivi en klaxonnant dans la zone industrielle de F. le 8 du mois dernier en France, sur plusieurs mètres, en criant fenêtres ouvertes: "Rentre chez toi connard", je me rends compte que c'était déplacé et injustifié mais que voulez-vous, j'avais 3 ans d'arriérés et ça avait besoin de sortir.

-J'essaye de moins me plaindre et j'évite de faire tout un plat quand je suis contrariée en public... Je tiens quand même à dire que les français sont peut-être râleurs, mais on n'est pas des moutons et je trouve que c'est une qualité malgré tout.

- Je trouve normal de faire mes courses à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, en ayant toutefois une pensée pour les personnes qui me servent, qui elles, préféreraient être en France; parce que sérieux, je ne me souviens plus comment on faisait, mais s'alimenter le dimanche soir après 19h relève du défi.

-Je peux faire la maligne à la fête foraine en tirant à la carabine, faire carton plein et me plaindre (sic) que "la carabine est trop lourde parce que  je préfère définitivement les pistolets".


Au final, le bilan est positif, à moins que l'on soit devenu des crétins imbuvables et que les copains fassent semblant de nous supporter deux semaines par an.