lundi 27 octobre 2014

Savannah






Pour bien commencer un article, il faut un titre accrocheur et une jolie photo.
Sinon, comment donner envie au lecteur de se plonger dans des aventures dans un coin du monde où il n'a pas particulièrement prévu de mettre les pieds, pour lire un article complètement subjectif, qui va relater un moment qu'il n'a pas partagé?

J'ai donc choisi successivement plusieurs titres et plusieurs photos et je me suis rendue à l'évidence: Difficile de choisir UNE photo de Savannah... et de ne pas donner son nom à l'article... Savannah, prononce-le à haute voix, et c'est déjà tout un programme...

Savannah, c'est d'abord une sensation. Descendre de voiture et sentir la moiteur de la ville te saisir. 95% d'humidité par 30 °C.
Tu comprends enfin pourquoi dans les films tournés dans le Sud, les héros ont la chemise collée à la peau, transpirent abondamment et les flics ont toujours l'air un peu débraillés et lymphatiques.
Tu comprends aussi, pourquoi les maisons ont des terrasses et des patios meublés de balançoire où les héros prennent le frais à la nuit tombée...
Et surtout tu bénis le bon général Oglethorpe, qui a créé la ville selon un plan militaire rigoureux: géométriques, symétriques, des rues qui se coupent en angles droits et à chaque intersection, des parcs arborés, avec tout le tralala habituel: statues, gazon et moustiques, mais surtout des bancs...

C'est simple, on a squatté tous les bancs de la ville, dégoulinant de sueur, à la recherche du moindre courant d'air. Le seul que nous n'ayons pas trouvé, c'est le banc de Forrest Gump, normal, "la vie c'est comme une boîte de chocolats, on sait jamais sur quoi on va tomber". Ton banc, Forrest, n'est plus dans Chippewa Square; il a été enfermé dans le musée de la ville après que des petits rigolos ont décidé de le dépiauter pour en faire des souvenirs.

Chippewa Square, et l'emplacement du banc de Forrest, cerclé d'une chaîne.
La belle Savannah aurait pu être détruite comme tant d'autres villes du Sud pendant la guerre de Sécession. Mais cette ville est un bijou dans son écrin de verdure. En 1864, lorsque les troupes de Sherman se sont retrouvées aux portes de la ville, le maire de Savannah a mené une délégation à sa rencontre et lui a offert la reddition de la ville si il ne la brûlait pas. Accord accepté, voici le télégramme envoyé au Président Lincoln par Sherman:

"I beg to present to you, as a Christmas gift, the city of Savannah with one hundred and fifty guns and plenty of ammunition, also about twenty-five thousand bales of cotton."

Il remettait la ville à Lincoln en cadeau de Noël avec ses canons, ses munitions et son coton!
Sherman y est resté un mois et a repris sa marche vers Columbia qui, elle, a été entièrement brûlée.

Aujourd'hui, on peut donc toujours y admirer le charme et l'opulence du Vieux Sud, ses maisons à colonnades, ses balustres en fer forgé et ses jardins...

Des magnolias à profusion, des recoins ombragés et des palmiers dans tous les jardins...


Le balcon de la Armstrong House qui vaut le coup d'oeil


Joli, non? Petit bas relief d'inspiration romaine sur le mur...

Ces maisons se trouvent dans Jones Street, la plus belle rue des Etats Unis d'après les infos du Routard...




Comment évoquer Savannah sans parler du livre de John Berendt, "Minuit dans le Jardin du Bien et du Mal", dont l'adaptation au cinéma de Clint Eastwood met en scène la ville et sa réputation d'une ville de réjouissances.
Berendt explique d'ailleurs que cette ville prospère était aux mains de riches hommes d'affaires, toujours grâce au commerce du coton et que les soirées se succédaient les unes après les autres au centre de Savannah.
"Si tu vas à Atlanta, la première question qu'on va te poser est: Tu travailles dans quoi? Si tu vas à Macon "A quelle église tu vas? A Augusta, le nom de jeune fille de ta grand-mère, mais ici à Savannah, la première question que l'on te pose, c'est : Qu'est ce que tu bois?"

Le bouquin relate le procès qui a eu lieu dans les années 80, lorsqu'un collectionneur d'art, Jim Williams, qui
occupe alors la Villa Mercer, assassine son jeune amant et se voit finalement acquitté au terme de plusieurs procès.


L'action se déroule essentiellement ici. Certaines se souviennent peut-être, non sans émotion de l'apparition d'un Jude Law débraillé (et transpirant), devant cette maison, les mains dans le cambouis, plongé dans le capot de sa voiture...

Nous nous souvenions de quelques belles scènes tournées dans le Bonaventure Cemetery, le cimetière où tout le gratin de Savannah est enterré, nous y avons donc fait une balade. Une balade en voiture... parce qu'après 15 min de marche, nous étions sur les rotules et limite déshydratés.
Inutile de chercher la Bird Girl, la statue emblématique du film ET du livre, elle fait chambre commune avec le banc de Forrest.
Les tombes sont envahies de mousse espagnole et de végétation, et les statues sont de vraies oeuvres d'art.






On a rencontré pas mal de calèches bourrées de touristes qui proposaient de faire des visites nocturnes des rues de la ville avec pour thème, les fantômes et les maisons hantées. On ne s'est pas laissé tenter!

Le quartier du port vaut le coup d'oeil aussi, il a été réhabilité, et le résultat est plutôt réussi.  Et, il y a des bancs...



Une vue sur la Savannah River et le fameux port de commerce:




 C'est justement sur le port que je suis tombée sur cette statue, avec une citation de Maya Angelou,

"We were stolen, sold and bought together from the African continent.
We got on the slave ships together. We lay back to belly in the holds of the slave ships in each others excrement and urine together. Sometimes died together and our lifeless bodies thrown overboard together. Today, we are standing up together. With faith and even some joy."
Maya Angelou



J'ai cherché la traduction officielle que je n'ai pas trouvé. J'ai tenté ma chance. Pardonnez les inexactitudes:
"Nous avons été volés au continent africain, achetés et vendus ensemble. Nous sommes montés sur les navires négriers ensemble. Nous nous sommes allongés dos contre ventre dans les cales des navires dans nos excréments et notre urine ensemble. Quelquefois nous mourrions ensemble et nos corps sans vie étaient jetés par dessus bord ensemble. Aujourd'hui, nous sommes debout ensemble. Avec foi et même joie."



mardi 21 octobre 2014

Le road trip de l'été



Destination:

Le Sud Est des Etats Unis.
Pourquoi là plus qu'ailleurs? Je suis une grande fan des romans de Pat Conroy (je sais que tu sais qui c'est, si je te dis "Le Prince des Marées", tu vois?) et je voulais vraiment découvrir le Sud et surtout Charleston et Savannah.

L'itinéraire:

Natchez, Mississippi
Atlanta, Géorgie
Savannah, Géorgie
Beaufort, Géorgie
Charleston, Caroline du Sud
Asheville, Caroline du Nord
Nashville, Tennessee
Memphis, Tennessee

Rien que de lire ces noms, j'ai envie de repartir!

Première étape: Natchez


Comme une tradition, la pluie tombait sur Bedford quand nous sommes partis. A la différence que la pluie par 34°C, on la vit comme un soulagement. Nous étions super impatients de retrouver l'océan et nous avions même envisager de faire la route jusqu'à Savannah d'une traite.
Difficile de trouver une étape excitante sans s'écarter trop de l'itinéraire entre Dallas et Savannah. Finalement, à force de scruter la carte, j'ai élu Atlanta sans grand enthousiasme. Puis Natchez, qui semblait intéressante pour se dégourdir les jambes après 7h de route.

Natchez a été la révélation du voyage. C'est une ville blottie au bord du Mississippi. Elle a été l'une des villes les plus riches des Etats Unis à la grande époque du commerce du coton. Elle a été alternativement espagnole, française, anglaise et encore espagnole avant de devenir définitivement américaine.
La partie basse de la ville, au pied du quartier historique, se situe au bord du fleuve: emplacement stratégique des bars et bordels de l'époque, où les bâteaux à vapeur chargeaient le coton.
Le quartier des marins, encore appelé Under The Hill, a petit à petit été dévoré par le fleuve et une décision a été prise d'établir la ville sur le plateau surplombant le fleuve: Upper Natchez.





Un petit saloon d'époque. Dans le film Huckleberry Finn, avec Elijah Wood (Frodon), ce bar a servi de décor pour la salle de classe.














Le Mississippi et un vieux steamboat, aujourd'hui un casino.









Upper Natchez est un petit bijou. Mais il ne faut pas oublier que derrière les somptueuses demeures "ante bellum", épargnées par la guerre de Sécession, se cache le tragique destin de milliers d'esclaves. Toutes ces énormes plantations de coton demandaient une main d'oeuvre considérable que le commerce des esclaves se chargeait de fournir.
Au cours de la visite de Natchez nous en avons appris beaucoup sur les destins tragiques et torturés.
Tel le prince Abdoul Ramane, pris en otage par une tribu adverse, en Afrique de l'Ouest, il est revendu à des négriers qui le ramènent au Nouveau Monde. Arrivé à Natchez, il devient esclave.  Il se marie et a neuf enfants.
Plus d'une trentaine d'années plus tard, un homme vient en visite à la plantation et le reconnait. Après maintes tractations, il peut retourner dans son pays, mais sans sa famille. A 66ans, après 40 ans d'esclavage, il retrouve l'Afrique mais séparé de sa famille, restée à Natchez. Il mourra sans avoir le temps de retrouver son village.

 

La villa Rosalie est construite à l'emplacement du premier camp français qui a fini dans un bain de sang...





Stanton Hall, construite en 1857, style Greek Revival, j'ai eu un coup de coeur pour le motif du fer forgé, qui se répète tout autour de la maison.




















Dunleith, la maison la plus photographiée de Natchez, elle est située stratégiquement, au bord de la route. Style "Greek Revival", mon petit coeur de midinette n'est pas encore remis!
Certaines scènes du film "Huckleberry Finn" ont aussi été tournées ici.









Après nos traditionnelles trombes d'eau de début de vacances, nous avons repris la route et décidé d'emprunter la Natchez Trace Parkway, la route des premiers pionniers. Elle relie Natchez à Nashville. C'est un endroit paisible, où grouillent Bambis et troupeaux de dindes sauvages sur les bords de route.




Une petite halte à Atlanta... quelques heures de route, encore, et c'est la révélation, l'arrivée à Savannah.


jeudi 2 octobre 2014

Le petit road trip illustré (suite)

Chapitre 2: De l'organisation

Avant toute chose, il faut choisir:

La destination

Dans les entreprises, on rassemble un groupe de personnes, on leur soumet une problématique, et là, ils vont jeter des idées allant dans le sens de la solution, et ça s'appelle un brainstorming.
A la maison, l'Homme dit " On pourrait aller dans le Colorado? ou dans le Big Bend?" et à la fin, on va où j'ai décidé. C'est à dire dans des destinations qui ne requièrent le port d'aucun "skis-casque-cordes", aucun diplôme de sports extrêmes et où les activités se font au mieux en tongs, au pire, en sandales.
Après, il faut décider du mode de transport. Vu que c'est un article qui vante les mérites du road trip, la surprise est relativement limitée. On prend la voiture. Mais attention avant de remplir le Toy jusqu'à la gueule, se pose THE question essentielle.

L'itinéraire

Pour bien cerner le problème, je dois expliquer qu'en tant que texans, on se heurte très vite au problème essentiel: sortir de l'état.
Le Texas a une plus grande superficie que la France, donc quand tu voyages en voiture:

Tu sais que tu es texan quand tu fais un road trip et que la partie la plus longue, c'est sortir de ton propre état.

J'ai visité beaucoup de sites internet, lu pas mal de guides, et généralement, les voyageurs arrivent en avion dans une ville et repartent à la fin du voyage d'une autre ville.
Nous, on part de Dallas pour revenir à Dallas.
Donc, on va loin mais on sait aussi qu'au moment de rebrousser chemin, il va falloir gérer le traumatisme du retour (si-si traumatisme n'est pas un mot trop fort vu la tête de certains participants le jour J) mais aussi la motivation pour conduire de longues heures sur des longues routes droites. Avec un peu de chance, tu n'empruntes pas le même itinéraire qu'à l'aller et tu peux espérer remotiver les troupes avec des cris enthousiastes "oh! un pont" ou "oh! du sable".
Crois-moi, après 15 heures de route, plus personne ne lève les yeux de son bouquin...

Il faut donc essayer d'essaimer le trajet retour de petites curiosités gastronomiques ou autres haltes touristiques. Parce qu'en plus, le Texas, c'est raplapla et même si  c'est super dépaysant au début, sérieux, à la fin, tu meurs d'ennui...

N'oublie pas non plus que ta voiture va être ta maison pendant quelques semaines. Ce qui me permet de passer à un autre point important.

Le remplissage

On dégaine la liste, rédigée, travaillée et dont la mouture définitive a été tapée dans un tableur par l'Homme cet été. Faut croire que ma version papier-crayon v2.0 n'était pas assez performante. Mais je n'en prends pas ombrage, mon mari est capable de créer un tableur juste pour comparer quel vélo va le plus vite.
Entre l'aspivenin et la cortisone, on glisse la bouteille d'huile d'olive et la réserve d'eau, sans oublier le magnum d'anti moustiques.
Sifflet, je sais plus trop pourquoi j'ai exigé un sifflet au départ du road trip dans l'Ouest, coutelas de Rahan, la glacière XXL dûment vidée-remplie tous les matins du voyage, la tente et les matelas gonflables, les sacs de couchage, ET tout ça même si on prévoit de dormir à l'hôtel.
On charge les cartes, les guides, les gâteaux, les enfants et le thermos de thé.
On est prêt!




mercredi 1 octobre 2014

Le petit road trip illustré.

Chapitre 1: crawl, walk, run



Le road trip est un sport national, que dis-je une institution, aux US. Nous qui pensions prendre l'avion comme on prend le train en France, nous nous sommes clairement trompés.
Quel plaisir de prendre la route, dans une grosse américaine de 8 places, et de découvrir le pays sur ses immenses highways gratuites!
Une voiture confortable, de la musique, une bonne compagnie, et surtout des yeux bien ouverts pour mémoriser ce que cet immense pays nous offre.


En 2012, notre premier périple nous a révélé un peu timides et tâtonnants: un petit week end à San Antonio, à 4h de route, pour trois jours. On a découvert des domaines qui courent sur des kilomètres, où les vaches vivent en totale liberté au milieu des cactus en fleurs et de la rocaille. Des portails immenses qui ouvrent sur des champs plats et des terres infertiles à perte de vue, cernés de barbelés sur des kilomètres.


Puis, l'aventure à Thanksgiving, la Louisiane, avec un stop à Houston, au musée de la NASA...
Une semaine incroyable à s'émerveiller non-stop, de Breaux Bridge, les plantations Oak Alley, Laura, et les bayoux... à La Nouvelle Orléans, sa gastronomie, son mysticisme, sa sensualité et sa musique. 
Neuf petites heures de route pour le trajet retour mais surtout une aventure inoubliable!




Puis, début janvier 2013, pour Martin Luther King Day, nous avons décidé d'aller à la plage. 
Huit heures de macadam pour renifler l'iode.


On a donc filé au sud, traversé l'état, admiré nos premiers derricks,


emprunté un ferry pour rallier l'île de Port Aransas, 


découvert des plaisirs coupables, comme se garer sur la plage, 


et ne pas être piétiné par ses voisins,


pris des photos,



de la faune locale,


et admiré l'architecture insulaire.

Les maisons sont construites sur des pilotis pour anticiper le passage des ouragans et la montée des eaux. Les jardins sont fleuris en plein mois de janvier, les palmiers bruissent doucement dans le vent et la vie est bien agréable, rythmée par les allers retours du ferry qui fait la liaison avec le bruyant continent.

Nous avons très vite pris goût à la route, à la liberté qu'elle nous donne, à l'excitation qu'elle nous procure, nous ne sommes pas partis depuis un mois et demi, et perso, j'ai déjà des fourmis dans le volant.